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PETITE MAMAN

Un film de Céline Sciamma

Promenons-nous dans les bois

Nelly, 8 ans, accompagne ses parents pour vider la maison de sa grand-mère après le décès de cette dernière. En explorant les bois des alentours, elle rencontre une fille de son âge qui lui ressemble et qui s’appelle Marion. Le même prénom que sa mère…

Petite Maman film movie

Dix ans après "Tomboy" et six ans après le scénario de "Ma vie de Courgette", Céline Sciamma retrouve la thématique de l’enfance pour un film dont la relative sobriété formelle cache une grande richesse, au point de nous demander un petit effort pour faire mûrir notre réflexion et notre expérience afin d’en cerner la substantifique moelle – voire d’opter pour un second visionnage si nécessaire.

Si la poésie et l’onirisme peuplent régulièrement les recoins de son œuvre, la réalisatrice pousse l’expérience plus loin avec ce nouveau long métrage, en réinventant le paradoxe temporel à hauteur d’enfant, pour parler également de deuil et de filiation. On ne s’attendait peut-être pas à retrouver chez Sciamma ce ressort récurrent du cinéma fantastique. C’est d’autant plus déroutant que c’est exploité avec une mise en scène épurée et un style plutôt réaliste, car l’idée n’est évidemment pas d’en faire un spectaculaire voyage dans le temps plein d’aventures et de rebondissements.

C’est en partie là où le projet de "Petite Maman" paraît atteindre une certaine limite : on sent bien que tout est avant tout métaphorique voire psychanalytique, mais on ne peut s’empêcher d’attendre un dénouement surprenant (possiblement avec ce que pourrait dire la mère à son retour), avec l’appréhension d’une déception finale. En outre, malgré une durée très courte (1h12 seulement), la lenteur de certaines scènes et la quasi absence de musique peuvent s’avérer ponctuellement plombantes. Plus curieux encore : malgré les thèmes abordés, l’émotion émerge trop peu, même quand on est d’habitude assez sensible, sans doute à cause d’une expressivité déstabilisante des deux gamines, sans doute à cause de la volonté de Sciamma d’enchevêtrer les statuts d’enfant et d’adulte, à la fois dans le scénario et dans la construction des protagonistes elles-mêmes.

Il serait toutefois injuste d’éprouver de la déception car l’apparente simplicité du film cache des trésors, un peu comme l’enfance dissimule, derrière un masque de fragilité et d’innocence, une vraie complexité et des potentiels énormes, notamment en termes d’imaginaire. C’est d’ailleurs ainsi qu’il conviendrait d’appréhender "Petite Maman" : une sorte de conte ou de rêve éveillé, l’émanation d’un esprit enfantin qui se démène avec ce que la vie a d’incompréhensible (la mort, la maladie, la mélancolie…). C’est ce que suggèrent par exemple les séquences dans lesquelles les deux petites filles s’inventent une histoire policière et la jouent. Comme une mise en abyme de la réalisation de Céline Sciamma, ces passages suggèrent que l’adulte que nous devenons germe déjà durant l’enfance et que, inversement, l’adulte reste imprégné de l’enfant que nous étions. Ce n’est sans doute pas un constat révolutionnaire, mais ce film est finalement une tendre allégorie de la vie humaine.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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