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LE PETIT POUCET

Un film de Marina De Van

Une adaptation de Perrault à la sauce végétarienne et anti-capitaliste

Poucet fait partie d’une famille de paysans très pauvres. Un hiver, alors que le père tente de vendre du bois de chauffage et que la mère et les enfants passent leur temps à creuser le sol gelé à la recherche de racines comestibles, Poucet surprend une conversation entre ses parents. N’ayant plus les moyens de les nourrir, ils envisagent de les abandonner, le père devant profiter d’une balade en forêt pour les perdre. Mais Poucet, malin, emporte avec les lui des pierres blanches, qu’il sèmera tout au long du périple, et qui lui permettront de retrouver le chemin de la maison…

Sélectionné dans la section Horizons du Festival de Venise 2011, « Le petit Poucet » de Marina De Van (remarquée avec le flippant « Dans ma peau », puis le décevant « Ne te retourne pas » avec Sophie Marceau et Monica Bellucci) est une bien singulière adaptation du conte de Perrault. Un récit que la réalisatrice, révélée en actrice par François Ozon dans « Sitcom », a trouvé fortement d'actualité, avec la crise économique et le fossé qui se creuse entre les plus aisés et les plus pauvres, ainsi que l'individualisme grandissant. Restant globalement fidèle à la trame du conte, De Van adopte une trame linéaire pour nous exposer les difficultés de la famille de Poucet à trouver de quoi manger, l'égarement volontaire des enfants en forêt, la rencontre avec l'ogre. Se concentrant sur le caractère premier de souffre-douleur, puis la malice de Poucet, elle illustre sa capacité à retrouver son chemin, à duper l'ogre en faisant passer ses frères pour les filles de celui-ci.

Mais la réalisatrice va plus loin, en se permettant quelques libertés dans la seconde partie du film, et en mettant en évidence le pouvoir de l'esprit entrepreneur et la domination naturelle de celui qui possède. Elle a donc modifié la fin du conte, pour mieux servir son propos sur l'apprentissage du monde, qui amène des enfants ayant habituellement une inclinaison à la générosité et l'entraide (Poucet aurait préférer soigner le lapin blessé que son père lui servira au souper...) à devenir calculateurs et à user de la ruse pour dominer les autres, dans un monde où la concurrence est loi.

Fidèle à son goût pour le macabre, elle s'offre cependant au passage quelques obscures fantaisies plutôt amusantes, comme le rêve culinaire de son ogre (Denis Lavant, richement vêtu et fort lointain de l'image usuelle de géant associée à ce type de personnage), s'inventant nombre de recettes à base d'êtres humains, garçon ou fille, ou un final dans lequel les rapports de forces s'inversent et qui affiche clairement les préoccupations du script : perte de l'innocence, anti-capitalisme et rejet de la viande comme objet de convoitise ou de soumission. Au final, seule une question reste cependant en suspens : pourquoi avoir choisi un jeune garçon d'apparence métissée pour interpréter Poucet ? Celui-ci ne ressemble en rien à ses frères, ou au reste de la famille, tous semblant sortis du profond terroir français. S'agissait-il là de représenter la mixité de la société française actuelle ou de donner une idée de la voie à suivre ? Mystère.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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