LE PANTIN

Un film de Mallory Grolleau

La confusion des genres

Esteban quitte l’Algérie pour tenter sa chance en Angleterre. A Calais, il prend place dans un petit bateau de pêche mais l’imminence d’un contrôle par les Douanes oblige les marins à jeter Esteban par-dessus bord. Il est récupéré épuisé par une femme sur une plage…

Esteban est un migrant, de ceux qui parcourent les routes et les mers pour trouver un meilleur endroit sur terre… Un endroit qui n’est, par définition, pas le sien et qui nécessite indubitablement une adaptation au contexte de vie, pour qu’il s’approprie cette nouvelle culture et qu’il se fasse accepter par les autres. C’est dans une villa du Nord de la France qu’il va être confronté à cette « mutation », le scénariste-réalisateur enfermant son voyageur dans un foyer atypique où il sera généreusement recueilli par une femme plantureuse mais qui n’aura à son égard que de vils projets. Elle ne conçoit pas l’héberger sans qu’il ne rende la monnaie de sa pièce, situation qu’Esteban accepte sans rechigner. Elle n’aura jamais un mot gentil, alors que l’hôte devient homme à tout faire et sert des « mercis » à tout-va. Elle ira même jusqu’à travestir sa personnalité, au sens propre comme au figuré, condition qu’il supportera plus qu’il n’admettra.

Mallory Grolleau, dont c’est le premier long-métrage, se lance donc dans une représentation de notre monde à l’égard des migrants qui mérite le coup d’œil. Il évacue rapidement la question du système politique pour se tourner plus volontiers vers la nature humaine. Un regard en forme de miroir (objet très présent dans le film) sur la domination et le pouvoir, où quand ceux qui en ont, abusent des personnes qui n’en ont pas, allant jusqu’à leur faire renier leur propre identité. Un film choc qui aurait été parfait entre les mains de François Ozon. On pense, en effet, à son propre premier long métrage "Sitcom" autrement mieux maîtrisé. "Le Pantin" souffre indéniablement d’un manque de moyen financier mais trouve aussi ses faiblesses dans son casting (si Philippe Gouin est parfait, on n’en dira pas autant d’Aurore Laloy), son montage déséquilibré (le changement de genre en une nuit est bien trop court quand la course poursuite est interminable), ses hommages non maîtrisés (superbe clin d’œil à Pulp Fiction mais références risibles aux films SF et policiers)… Ce jeune réalisateur a toutefois des choses à dire, on patientera donc, en attendant son nouveau film, avant de se montrer catégorique sur son travail.

Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur

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