MR. HOLMES

Un film de Bill Condon

Le magnifique crépuscule d'un enquêteur pas si infaillible

Âgé de 93 ans, le célèbre détective Sherlock Holmes revient d’un voyage au Japon – où il était allé à la recherche d’un poivre particulier – et se réfugie dans sa demeure de campagne où il vit avec sa gouvernante et le fils de celle-ci. Atteint d’Alzheimer, il a régulièrement des pertes de mémoires. Refusant de prendre toute nouvelle affaire, il reste hanté par celle qui provoqua sa retraite…

C'est une figure de Sherlock Holmes plutôt singulière qui attend le spectateur dans ce "Mr Holmes" signé Bill Condon ("Dreamgirls", les deux parties de "Twilight : chapitre 5"). Le portrait est, en effet, doux-amer, s'intéressant à la notion de droiture et d'honnêteté, pour mieux délivrer son cruel message : le mensonge est parfois nécessaire. Mêlant récit dans le récit (l'homme, dont la santé décline tente de se remémorer sa dernière affaire, qui l'a amené à se retirer) et quotidien où l'usure du temps se fait sentir, ce portrait en forme de puzzle s'avère d'une richesse inouïe, convoquant une implacable émotion.

Abordant le poids des regrets, le difficile et parfois inconscient choix entre vérité et mensonge, la délicate limite entre professionnalisme et complicité, le scénario fait d'une enquête d'apparence quelconque et d'un quotidien oisif (où l'homme s'occupe de ses abeilles et donne de sages conseils au fils de sa bonne), une leçon d'humanité. Élégant, picturalement sublime, "Mr Holmes" offre à Ian McKellen (le Gandalf de la trilogie du "Seigneur des anneaux" et le Magneto dans la série des "X-Men") l'un de ses rôles les plus émouvants, entre solitude et complicité très réussie avec le gamin. Son interprétation magistrale aurait très bien pu, d'ailleurs, lui valoir une nomination à l'Oscar du meilleur acteur en fin d'année 2015.

Se posant en œuvre exigeante et subtile, "Mr Holmes" déroule de jolis parallèles, offrant aux personnages une échappée morale intéressante. Il place son héros en personnage trop sûr de ses déductions, démystifiant le personnage devenu âgé et aigri, tout en lui offrant au passage une dernière enquête, sur la forme tout au moins. Enfin, cerise sur le gâteau, il nous invite à une belle réflexion sur la nécessité d'enjoliver parfois le réel pour mieux aider les autres à avancer. Une perspective qui vient conforter celle d'un Watson qui aurait eu lui aussi tendance à enjoliver les récits des exploits de son mentor.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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