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LA MER À L’AUBE

Abjecte exécution

Camp de Choisel, dans la région de Nantes, en octobre 1941. À la suite de l’assassinat d'un officier nazi, le préfet est sommé de remettre à l'armée allemande, une liste de trois fois 50 noms, personnes à exécuter progressivement, au cas où les coupables ne seraient pas démasqués par la police française...

Sortie en DVD le 21 mars 2012

Beaucoup ont entendu parler de la fameuse lettre de Guy Môquet au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, alors qu'il était question que sa lecture devienne une obligation dans les écoles françaises. Volker Schlöndorff (« Le Tambour », « Le Roi des aulnes ») adapte donc l'une des pages les plus noires de l'Occupation, situant son récit entre camp d'internement, regorgeant de prisonniers politiques, et siège des autorités françaises, incapables d'éviter une coupable implication. Si le ton est solennel, l'épisode méritait cependant bien un film, même voué à une diffusion télé.

Le début du film affiche une certaine fraîcheur, les jeunes hommes du camp, plutôt cultivés, tentant une cour amusée envers les filles vivant à l'extérieur de l'enceinte. Se développent ainsi quelques affinités, par poésies interposées, au travers des palissades de fortune entourant le camp. Mais, la légèreté fera bien vite place au drame. Symbolisant le basculement des autorités françaises dans l'abject, Schlöndorff nous offre un plan oblique, signe du tournis qui gagne le sous-préfet, contraint de définir des critères de composition de la liste des condamnés. Des communistes et des jeunes feront bien l'affaire...

Avec les enjeux politiques qui s'en suivent, la suite du film apparaît bien plus scolaire. Elle s'appuie sur une trame dramatique qui allie description minutieuse de la vie au camp, intérêt purement historique et irrépressible émotion. Les passages qui précèdent l'exécution ne sont pas des plus fluides, mais l'apparition de Jean-Pierre Darroussin, en prêtre pas vraiment bienvenu, permet d'enfoncer le clou vis-à-vis des collaborateurs. À son « Vous êtes chrétien ? », il ajoute « Votre obéissance ne l'est pas ». Tout est dit.

« La Mer à l'aube » a, du coup, le mérite de remettre les idées en place concernant quelques grands noms de cette résistance française, tels Jean-Pierre Timbaud et le fameux Guy Môquet, tout en maintenant une sobriété salvatrice. La fin, qui mêle une difficilement soutenable exécution et la lecture en voix-off des lettres des condamnés, ne peut que tirer des larmes. Et lorsqu'elle juxtapose à la lettre du jeune Guy, qui regrette de nous « quitter tous », celle d'Odette, qui lui répond, elle devient porteuse de l'espoir d'un soulèvement à venir. Sur la mer se dessine l'aube d'une résistance, d'une prise de conscience dans une France jusque-là guidée par le Maréchal Pétain, tout comme l'espoir d'un certain débarquement.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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