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MARVIN

Un film de Anne Fontaine

Une belle exploration de la différence

Martin Clément, né Marvin Bijou, a fui sa famille et son petit village des Vosges. S’éloignant de l’intolérance et du rejet, comme des brimades qu’il a dû subir étant gamin, il se construit en tant que garçon «différent», au travers de rencontres avec des gens généreux et du théâtre, passion qui lui permet d’exprimer ce qu’il est, autant que ce qu’il ressent. Marvin devenu Martin va prendre tous les risques pour créer ce spectacle qui, au-delà du succès, achèvera de le transformer…

Avec l'histoire de Marvin, un jeune garçon du nord de la France parti à Paris trouver sa voie dans le théâtre, Anne Fontaine (" Nathalie ", " Entre ses mains ") s'attaque au sujet de la différence avec un film mosaïque, mêlant trois époques de la vie de ce jeune homme. Pendant ses trois quarts, le film est ainsi construit en miroir (à l’image de la très jolie affiche) entre l’enfance tourmentée du personnage et ses premiers pas dans le monde artistique parisien. Une vision dans laquelle souffrance et hargne nourriront le désir de s’extirper d’un milieu tout en se construisant soi-même.

Joignant à cela de manière plus anecdotique ses années d'école, dans un entre-deux incertain, la réalisatrice réussit à décrire l’étau qui enserre Marvin enfant : d’un côté une famille en proie au désœuvrement (les scènes de repas devenant arène de violence sont très réussies) et de l’autre des camarades d’école harceleurs, sans aucune pitié. Avec tact, elle saisit aussi les tentations liées à la réussite, ceci grâce à deux personnages finement interprétés par deux acteurs à contre-emploi : Vincent Macaigne (incarnant le mentor bienveillant) et Charles Berling (personnifiant le risque de la facilité).

Emmené par Finnegan Oldfield (remarqué dans " Les Cowboys "), formidable dans le rôle principal (on saluera aussi la prestation de Jules Porier, jouant le même rôle enfant), le film relate l'expression de souffrances et désirs au travers de l'art, et s'empare avec justesse du thème de l'affirmation de soi. Ceci tout en rappelant que l'identification à des personnes semblables est souvent indispensable pour réussir à enfin se construire. Imaginant un avenir là où s’arrête le roman En finir avec Eddie Belle Gueule de Edouard Louis, dont il est très librement adapté, "Marvin" est un film sensible et juste, dans lequel Isabelle Huppert joue son propre rôle et Grégory Gadebois interprète avec brio un père, grande gueule, alcoolique et renfrogné, mais bien plus complexe qu’il n’y paraît.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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