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LUCKY

Un film de John Carroll Lynch

Un film testamentaire aussi sobre que bouleversant

Harry Dean Stanton nous a quittés en septembre dernier. Alors forcément, chaque scène de cette œuvre hommage trouve une saveur différente aujourd’hui. Car "Lucky" était bien un cri d’amour à son comédien, un dernier film pour offrir à un éternel second rôle le devant de la scène, une lumière méritée sur un acteur qui avait notamment fait des merveilles dans "Paris, Texas". Pour son premier long métrage en tant que réalisateur, John Carroll Lynch signe une balade désertique remplie de mélancolie, où la sobriété et la pudeur se côtoient pour transcender les émotions. Entouré de plusieurs de ses amis, en particulier David Lynch pour lequel il avait tourné à de multiples reprises, Stanton éblouit la pellicule, émeut par un simple regard.

Entre la fiction et l’autobiographie, "Lucky" distille son spleen avec brio, développant une réflexion aussi douce que cruelle sur la fin de l’existence. Un cowboy en fin de vie se pose de plus en plus de questions au fur et à mesure que l’inévitable se rapproche. Tel est le pitch. Sauf qu’au lieu d’en faire une œuvre déprimante, le cinéaste a la bonne idée de transformer son récit en un petit bonbon lumineux, filmé en scope comme à l’époque des westerns crépusculaires. La structure simpliste de l’ensemble ne fait que renforcer la pureté de ce geste cinématographique, une ode à une figure du cinéma américain mise en scène par un autre habitué des seconds rôles.

Avec humour, le métrage s’amuse des excès de colère de cet ancien cuisinier dans la Navy, qui n’a pas peur d’affronter aux poings un homme de la moitié de son âge, lui a qui combattu les Japonais durant la guerre. Même si certaines séquences redondantes auraient pu être abrégées, ce dernier tour de piste d’Harry Dean Stanton demeure déchirant. À l’image de ce dernier regard caméra, le sourire en coin, le comédien et son personnage se confondent, les paroles de l’un incarnant les pensées de l’autre, avant de voir cette silhouette quitter doucement le cadre, nous laissant le temps de nous remémorer tous nos souvenirs cinéphiles d’un acteur ayant traversé les époques. Un très bel adieu.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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