LOS DELINCUENTES
De subtils et ludiques jeux de miroirs
Morán, employé de banque, décide de détourner de l’argent de son établissement. Filmé par les caméras, il est parfaitement conscient qu’il sera considéré comme coupable et rapidement arrêté. Il décide donc d’aller voir Román, un collègue en arrêt le jour de son larcin, auquel il confie l’argent pour les trois ans qu’il espère purger, en comptant sur une remise de peine pour bonne conduite. Pour s’assurer de la collaboration de celui-ci, il le menace de le dénoncer comme son complice si jamais il n’accepte pas. Avant même qu’il ne se rende aux autorités, une enquête interne à la banque est diligentée…
"Los Delincuentes" démarre comme un film de braquage, nerveux et rythmé, captant en alternance les attitudes des deux complices, face à l’enquête mise en place et au poids que représente le sac caché chez lui pour Román, et face à une arrestation qui se fait attendre, pour Morán, qui entreprend de partir au fin fond du pays. Mais presque aux deux tiers du métrage, la tonalité change soudainement, alors que s’annonce la seconde partie du film. L’ambiance se fait bucolique, à l'occasion d'une rencontre entre Román et un groupe de jeunes gens qui l’obligent à s’arrêter dans sa course inquiète. Et c’est dans cette deuxième partie, plus enchantée et ouverte sur le monde, que se justifie pleinement la place du long métrage dans la section Un certain regard du Festival de Cannes.
Avec une intelligence rare, ce film à la photographie qui renvoie sciemment à une époque de liberté et de possibles changements de vie (les années 70) construit alors un certain nombre de résonances entre les destins des uns et des autres. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les deux voleurs s’appellent Morán et Román, ni les deux sœurs croisées Norma et Morna, l’une étant même en couple avec un certain Ramón. Les parallèles ou coïncidences entre les destins des deux personnages se construisent ainsi sur la durée, allant même jusqu’à se répondre lors d’une scène en split-screen où chacun fume de son côté.
On notera de plus que c’est bien le même acteur (Germán De Silva) qui joue le directeur de la banque (Del Toro) et l’espèce de parrain mafieux en prison (Garrincha), qui rackette ses codétenus. Comme quoi ceux qui dirigent, ceux qui ont le pouvoir ou l’argent, sont finalement toujours les mêmes, que l’on soit dans ou hors de la société. Au final, "Les Délinquants" dégage un charme suranné, grâce à ses deux interprètes principaux autant que grâce à son traitement visuel, invitant autant ses personnages que les spectateurs à penser le bonheur et l'avenir autrement.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur