JUMBO

Un film de Zoé Wittock

Un concept plus qu’intrigant

Jeanne, une jeune femme timide, travaille dans un parc d’attraction, où elle s’occupe notamment du nettoyage des attractions. Vivant toujours avec sa mère, Margarette, extravertie et indiscrète, elle n’a jamais eu de relation avec un homme et bloque face à Marc, l’un des employés du parc qui lui fait du rentre dedans. Pourtant, un soir, alors qu’elle nettoie l’attraction vedette du Parc, Jeanne commence à croire que celui-ci communique avec elle, voire la drague…

Jumbo film image

C’est un film dont l’intrigue se situe dans un parc d’attraction, entre fantastique et logique de triangle amoureux, qui aura perturbé plus d’un spectateur aux derniers festivals de Gérardmer et de Berlin. "Jumbo" raconte en effet la relation supposée amoureuse entre une jeune femme névrosée et un manège auquel elle a donné elle-même ce petit nom, après un nettoyage nocturne durant lequel quelques voyants se sont allumés. Ne ménageant pas les effets sensoriels, pour signifier le trouble de la jeune femme, visiblement en pleine quête sensuelle (mousse du bain, flots tumultueux…), la réalisatrice nous entraîne sans difficulté dans le monde intime de Jeanne, entre maquettes de manèges envahissant sa chambre et symbolisant son état de grande enfant, effet érotiques amenés par les formes et les fluides du manège, et son suggérant qu’il est doté d’une capacité de communication (bruits ressemblant à une voix, flashs de lumière permettant un dialogue binaire…).

Zoé Wittock pousse ainsi le bouchon plutôt loin, provoquant la curiosité du spectateur, jouant avec les aspects fantastiques, suggérant une possible folie ou une manipulation, la jeune femme se retrouvant malgré elle au sein d’un triangle amoureux, et passant elle-même par toutes les phases de la passion amoureuse, ceci sous les yeux d’une mère médusée et d’un boss jaloux. Malheureusement, c’est dans le final, qui vire au plaidoyer pour le droit à la différence, que le film se perd un peu, empruntant des chemins plus balisés et classiques, qui contrastent avec le reste du métrage, en marquant ainsi les limites. Refusant de basculer dans le drame potentiellement sanglant ou dans la pure science fiction, Zoé Wittock préfère s’intéresser à la psyché adolescente de son héroïne, livrant au final un portrait touchant d’une jeune femme solitaire.

Bien loin cependant de "Yves", sorti l’an dernier, dans lequel une femme s’éprenait d’un frigo intelligent, "Jumbo" tient la route dans un autre registre. Et c’est avant tout grâce à son trio d’interprètes, Noémie Merlant en tête ("Portrait de la jeune fille en feu"), en ingénue terrifiée par le véritable contact humain. A ses côtés, Emmanuelle Bercot ("Mon roi", "Polisse") interprète avec justesse une mère passant d’une légèreté provocatrice à une inquiétude réelle, quant à Bastien Bouillon ("Seules les bêtes", "Debout sur la montagne") il incarne avec présence un boss un peu lourd. Ajoutons à cela quelques répliques bien directes ou provocatrices dans la bouche d’ Emmanuelle Bercot, et le tout prend des allures de coming of age movie (passage à l’âge adulte), qui ne concerne pas que la fille. Enfin, si la mention initiale « basé sur une histoire vraie » laisse perplexe et demande qu’on creuse un peu, il faut bien avouer que le film séduit réellement.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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