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IT MUST BE HEAVEN

Un film de Elia Suleiman

Incisif

Lassé par l’incapacité de voisins à s’entendre ou se respecter, Elia Suleiman part de Palestine pour Paris, puis pour New York, espérant monter son nouveau film…

It must be heaven film image

Les films d’Elia Suleiman ("Intervention Divine", "Le temps qu’il reste") sont sources d’une sorte de plaisir mêlant comique de situation, ironie, surréalisme, issus d’une fine observation du fonctionnement des hommes, dans leurs comportements en société ou leurs petits gestes quotidiens. Se donnant une nouvelle fois le rôle de l’observateur extérieur, impassible ou doté de réactions minimales (des sourcils qui se haussent, une tête qui tourne lentement...), Suleiman ne prononce ici presque aucune parole (il dira à peine un mot puis une phrase dans le film), se posant en sorte de clown blanc, désolé par l’égoïsme, la peur de l’autre, la pauvreté qui l’entourent.

Découpé clairement en trois parties (plus un épilogue), "It must be heaven", mention spéciale du 72e Festival de Cannes, débute en Palestine, fustigeant l’irrespect entre voisins, se poursuit à Paris, évoquant pauvreté, omniprésence des forces de l’ordre, services sociaux, rapports sociaux égoïstes et provocateurs, au travers de paraboles souvent surprenantes (un ballet de policiers en « giroroues », le SAMU qui assiste un SDF à la manière d’un service d’hôtesses de l’air, des gens qui squattent les chaises autour d’un bassin...). Il se termine aux USA, fustigeant l’obsession pour le sport, les armes à feu, au travers de nouvelles représentations d’apparence plus anecdotiques.

Mais en dehors de ces visions de pays étrangers qui n’évitent pas quelques clichés (la beauté des femmes parisiennes…) et font apparaître quelques seconds rôles notables (Grégoire Colin en voyageur du métro menaçant, Gael Garcia Bernal en cinéaste affairé…), il décrit aussi sa difficulté à trouver des soutiens pour ses films, trop portés sur l’humain et pas tant sur les aspects sensationnalistes du conflit avec Israël pour les uns, ou trop éloignés du modèle attendu pour les autres. En profitant pour fustiger ce que le monde attend d’un Palestinien aujourd’hui, il livre aussi une vision désabusée de son propre rôle, conscient qu’il ne verra sans doute pas une Palestine indépendante de son vivant, et en faisant reposer tout de même l’espoir sur une jeunesse dynamique et vivante, dont la présence vient clore un long métrage incisif et doté d’un humour à toute épreuve.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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