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IT COMES AT NIGHT

Un film de Trey Edward Shults

Plus c’est long, plus c’est bon

Une famille de trois personnes vit cachée dans une maison au milieu d’une forêt pour se protéger d’une menace de contamination qui a envahie la terre. L’arrivée d’un autre ménage leur demandant refuge va mettre à l’épreuve leur modèle de survie…

Les amateurs de cinéma bis sont certainement les spectateurs les plus ouverts d’esprit et courageux qui soient. Ils seront toujours prêts à explorer les films les plus fauchés et racoleurs qu’ils trouveront, dans l’espoir désespéré de retrouver un jour le choc vécu lors de leur découverte de "Massacre à la Tronçonneuse", "Cannibal Holocaust", des films de Frank Honenlotter, William Lustig, ou encore des premières œuvres de Cronenberg, Sam Raimi, et Peter Jackson. Là où la plupart des gens, cinéphiles expérimentés ou non, n’y verront que d’indignes navets et d’indigestes nanars, les bisseux au contraire y verront de potentiels trésors cachés. Mais la rareté de ces derniers les condamne bien souvent à subir la trahison des promesses non tenues et la déception qui s’en suit. Leur tolérance à l’égard des petits budgets d’exploitation ne sera malheureusement que très rarement récompensée. Ainsi lorsqu’ils découvriront "It comes at night", ils auront de quoi être énervés. Après avoir passé tant de temps à défendre, et même pardonner, les plus mauvais films en mettant en accusation leur manque de moyen, ils s’apercevront qu’en réalité c’était surtout d’un manque de talent et de considération pour le spectateur qui était à l’œuvre.

En effet le film de Trey Edward Shults réussit, là où ont échoué tant d’autres, à faire beaucoup avec très peu. En misant tout sur l’ambiance plutôt que le spectaculaire, il parvient à créer une tension très forte dès le premier plan et à instaurer une sensation de malaise. Il est en cela semblable à It Follows qui privilégiait déjà un travail sur l’atmosphère pour installer une certaine froideur, un calme dérangeant, imprégnant le film d’un mystère inquiétant. "It comes at night" s’imprègne en revanche de plus de noirceur. C’est un survival post-apocalyptique qui joue sur l’ambiance et les codes du film d’horreur sans en être un. Il va jusqu’à faire directement référence à "Shining" (comme "Passengers" l’a récemment fait lui aussi avec son barman) en lui empruntant le symbole de la porte rouge qui ferme une pièce dans laquelle il est interdit de pénétrer car elle symbolise la source du mal. Mais les influences sont multiples On peut par exemple remarquer celle des "Fils de l’homme" dans la manière dont est filmée et éclairée la scène de l’attaque en voiture, qui constitue l’unique échappée des personnages hors du domaine de la maison où ils sont cloîtrés.

Cette œuvre semble globalement porter l’héritage de tout un pan de l’histoire du cinéma fantastique, et en premier lieu du film de zombie. En donnant naissance à celui-ci, Georges Romero ne s’intéressait pas aux morts-vivant en tant que tel, ni à leurs origines, il les utilisait comme « McGuffin » pour justifier une cohabitation forcée entre des individus antagonistes en vu d’étudier les rapports sociaux qui en découleront. Ainsi l’enjeu véritable ne sera pas ici celui de la lutte contre le virus, mais bien celui des conflits qui résulteront de l’adaptation des survivants au nouveau monde. Ces rivalités sont fonction du contexte. En l’espèce nous serons témoins de l’opposition progressive entre deux familles de trois personnes qui seront amenées à vivre ensemble sous le même toit. Ce huis-clos conduira inévitablement à une situation de paranoïa lorsque des signes d’infection apparaîtront à la suite du retour à la maison du chien infecté. Cela fait clairement écho à "The Thing" de Carpenter qui met en scène le climat de soupçon réciproque entre les occupants d’une station de recherche scientifique isolée, qui seront petit à petit contaminés par une créature introduite par le biais d’un chien qui la portait en son sein.

Cette logique justifie le parti-pris judicieux de maintenir jusqu’au bout le mystère autour de la nature, la provenance et l’ampleur de la maladie. Si celle-ci ne constitue finalement pas le sujet principal du film, ce dernier constitue néanmoins un bel apport au sous-genre que représente le cinéma de contamination. La scène d’introduction ainsi que les nombreuses séquences de cauchemar/réalité restituent bien le malaise face à l’apparition progressive d’indices laissant craindre un lent pourrissement de la chair, ou sa mutation (ce qui fait penser à "The Crazies" ou "Contracted").

En revanche "It comes at night" souffre clairement d’un problème de longueur. Il manque au moins 15 ou 30 minutes à l’histoire, celle-ci se terminant sur un sentiment d’inachevé. Le problème n’est pas en soi de terminer sur une non résolution du mystère, car cela est parfaitement en cohérence avec sa logique d’ensemble. Le souci est que Trey Edward Shults ne soit pas allé jusqu’au bout de son propos, qu’il ne l’ait finalement pas suffisamment développé.

David ChappatEnvoyer un message au rédacteur

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