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INTERDIT AUX CHIENS ET AUX ITALIENS

Un film de Alain Ughetto
Avec les voix de Ariane Ascaride, Alain Ughetto...

Une bouleversante évocation d'un grand-père méconnu

A Ughettera, petit village des montagnes au Nord de l’Italie, la famille Ughetto vivait comme les autres villageois dans une extrême pauvreté. En ce début de XXè siècle, Luigi, deuxième enfant parmi onze, traverse les Alpes avec deux de ses frères, pour aller travailler en France…

Interdit aux chiens et aux italiens film animation animated feature movie

Filmé en stop motion avec des marionnettes, "Interdit aux chiens et aux Italiens" permet au réalisateur Alain Ughetto (déjà auteur de "Jasmine") de raconter l’histoire de son grand-père, Luigi, travailleur acharné, devenu migrant économique dans l’Europe du début du XXe siècle. Ayant débuté son enquête il y a neuf ans, ne trouvant ni la tombe de Luigi, ni celle de sa grand-mère Cesira dans le cimetière de leur village, l’auteur a peu à peu reconstitué le périple de son aïeul, passant de chantier en chantier. S’inspirant, pour le contexte, du livre du sociologue Nuto Revelli, "Le Monde des vaincus" (un recueil de témoignages de paysans du Piémont, vivant à la même époque), il a imaginé un dialogue entre lui-même et sa grand-mère (interprétée avec douceur par Ariane Ascaride) pour mieux explorer ce destin et plus généralement celui de toute une famille.

Posant d’emblée un contexte d’extrême pauvreté, où les seules richesses semblent être la roche omniprésente et les châtaignes, le metteur en scène montre au passage quelques images réelles d’une maison dont le toit s’est effondré, comme un ultime vestige d’un passé familial révolu. En constituant le décor à base d’éléments recueillis sur place (des brocolis pour les arbres, du charbon de bois pour la montagne, du sucre pour les briques...), il nous plonge dans un monde où seul l’humain semble donner quelques couleurs à la vie.

Le choix narratif, qui paraît relativement simple, permet de tisser un lien de mémoire des plus touchants avec cette grand-mère (Cesira), qu’il a connue seulement quelques temps, et qui sera le vecteur de l’action, mais aussi entre ce descendant et le destin d’une famille face à l’Histoire. Cette sombre destinée familiale est ainsi bercée de naissances et de morts, comme de guerres et de migrations, permettant d’évoquer au passage la mainmise du clergé sur les villages italiens, la famine, la pénibilité ou le danger du travail manuel, mais aussi le mépris de l’immigré (on assiste à des insultes du style « fils de pute de macaroni », qui en évoque bien d’autres, plus récentes envers des migrants d’autres origines).

Disposant çà et là quelques touches d’humour, notamment par la récurrence des mouvements surréalistes du couvre-chef de Luigi, le réalisateur met aussi globalement en avant l’aspiration à une vie meilleure. Du point de vue de l’animation, montrant aussi son amour du carton, des ciseaux et de la colle, en donnant à voir ses mains en train de confectionner un élément de décor ou d’amener celui-ci jusqu’aux personnages, il crée un lien invisible avec son grand-père, en tant que, lui aussi, artisan du travail manuel. Quant à la conclusion, en forme de joli message sur l’attachement moins à la terre, qu’au lieu de notre enfance, elle parlera certainement à de nombreux spectateurs.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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