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INSOUPÇONNABLE

Un film de Gabriel Le Bomin

Un thriller mou du genou

Henri et Lise se sont dits oui devant M. le curé. Ils ont 20 ans d’écart et se connaissent depuis trois mois… Mais qu’importe, l’amour est plus fort. Avant de partir en voyage de noces à Venise, Lise passe dire au revoir à son frère Sam. Son faux frère Sam. Car en fait Sam et Lise ont monté une terrible machination contre Henri pour lui voler de l’argent qui leur permettra de s’envoler pour New York vivre une nouvelle vie. Pour l’instant le plan se déroule parfaitement, Lise est insoupçonnable… Pour l’instant…

Un casting original constitue le point fort majeur de ce deuxième film de Gabriel Le Bomin, le breton-corse qui réalise ici son deuxième long-métrage après le très remarqué « Les fragments d’Antonin ». On y retrouve ainsi Marc-André Grondin, le fougueux jeune québécois qui n’en finit pas de se faire plaisir avec notre cinéma frenchie ; Charles Berling le poids lourd de notre cinéma hexagonal, à l’aise dans n’importe quel rôle, ici en riche homme d’affaires naïf et fragile ; Laura Smet, parfaitement insondable et opaque, à la vie comme à l’écran ; Grégori Derangère, l’Antonin du premier film de Le Bomin, aussi charismatique que doué; et Dominique Reymond, dont on se demande bien pourquoi personne ne lui propose de premier rôle à la hauteur de son talent d’actrice.

Des comédien(ne)s qu'on est plutôt heureux de voir dans un genre qu’on adore -le thriller-, même si on croyait que les dernières tentatives françaises l’avaient enterré pour l’éternité ! Rappelez-vous les récentes catastrophes telles « Blanc comme neige » et « Sans laisser de traces »… Voici donc un thriller plus réussi, mais pas franchement convaincant, avec de vrais faux-semblants, des machinations en veux-tu en voilà, des manipulations en pagaille et du suspense assez bien ficelé. Pourtant, le tout manque cruellement de liant.

Le début, notamment la présentation des personnages et la mise en place de la machination, durent trop longtemps. Des éléments manquent au spectateur, on sait ainsi que Lise a un plan diabolique mais jamais elle ne l’explique, en conséquence de quoi on décroche assez vite. La dernière partie du film, enfin, constitue trop une surenchère de rebondissements. Pire, il y a tellement de retournements de situation que les scénaristes ont été obligés d’en faire raconter certains par les protagonistes aux autres personnages du film ! Autre souci, la crédibilité de certaines scènes (le rapt notamment) et de certains rapports (le couple Lise et Sam surtout) qui devaient couler de source dans le livre original de Tanguy Viel, une fois matérialisés à l’écran, en sont presque risibles tant on n'y croit pas.

La mise en scène, loin d’être pesante, aurait tout de même gagné à appuyer un peu sur les effets de style autour des miroirs, des reflets et des masques. Mais le parti pris du réalisateur -la sobriété- fonctionne aussi parfaitement, laissant pleinement les personnages prendre forme et les machinations se mettre en place. Les décors rhônalpins et automnaux sont assez hideux (à l’exception de la maison) et déprimants mais ils rappellent finalement que la mort rôde autour de chacun des personnages. Reste à savoir qui y succombera et qui y échappera. L’intérêt pour les lecteurs du livre éponyme de Tanguy Viel, c’est qu’ils ne sont pas tout à fait les mêmes ! Surprendre les spectateurs qui ont lu le roman et ceux qui ne le connaissent pas : une recette qui doublera peut-être les amoureux du film, exception faite de ceux qui auront rapidement décrochés de l’intrigue, le film étant globalement "mou du genou" et manquant foncièrement d’originalité…

Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur

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