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I CARE A LOT

Un film de J. Blakeson

Une tutrice qui vous veut du bien

Marla Grayson est une arnaqueuse professionnelle : elle devient par voie de justice la tutrice auprès d’individus âgés et riches qu’elle place rapidement en maison de retraite afin de pouvoir profiter de leur argent et de la vente de leurs biens. Son business est florissant, alors quand l’un des médecins lui propose le profil de Jennifer Peterson, seule, sans famille, ayant d’importantes économies, une belle maison, Marla pense avoir trouvé la perle rare. Cependant, cette Jennifer Peterson n’est finalement pas sans famille et cache bien des secrets…

"I Care a Lot" est une comédie cynique teintée de thriller qui parvient à susciter directement l'intérêt grâce à son personnage principal de self made woman qui aspire continuellement à plus grand, écrasant par la machine judiciaire les familles des personnes âgées (quand celles-ci existent), graissant la patte des médecins et directeurs de maison de retraite, et dupant ses victimes ainsi que le système judiciaire sur sa volonté profonde d'enrichissement personnel. En se sens, le titre du long-métrage est plein d'ironie : « I care a lot » signifie « je me fais beaucoup de soucis » (sous-entendu : pour les autres), or Marla, le personnage principal, est uniquement soucieuse de son propre intérêt et de celui de sa conjointe, et elle ne voit dans les personnes âgées et leurs biens qu'un moyen servant ses objectifs.  C'est un personnage sûr de sa force qui ne se soucie pas des bombes humaines à retardement qu'elle déclenche avec son arnaque.

Le scénario va donc s'atteler de façon linéaire à faire traverser de nombreuses épreuves au personnage principal en la faisant s'attaquer à la mauvaise personne, qui apparaît elle aussi, au premier abord, comme bienveillante et gentille mais qui cache son jeu, s'avérant avoir de puissantes relations dans la mafia. Aussi, la bascule scénaristique dans le thriller se révèle intéressante car le tribunal, qui constitue l'espace de force de Marla, ne suffit plus pour obtenir la victoire  : elle va devoir dorénavant lutter pour son intégrité physique qui est menacée, et elle va devoir devenir la lionne qu'elle se considère être si elle veut vivre.

Cependant cette bascule s'opère assez vite, et n'offre quasiment pas de surprise dans son avancée et les péripéties qu'elle propose. Ainsi le scénario perd son aspect cynique et  mordant pour rentrer dans le rang d'un suspense classique impliquant la mafia, parvenant tout de même à surprendre dans ses tout derniers instants. On regrette que la perversité de l'arnaque et ses conséquences humaines ne soient pas plus creusées en dehors des scènes d'ouverture et de clôture. Enfin, l'autre problème du scénario est l'absence de développement des personnages autres que Marla. Au final, ils ne sont que très peu caractérisés, à l'image de Fran, la petite amie de Marla (incarnée par Eiza González) qui aurait pu gagner en épaisseur.

Rosamund Pike est parfaite dans le rôle de cette anti-héroïne, arnaqueuse carnassière, prête à tout pour s'élever dans la chaîne alimentaire de la richesse en prenant dans sa toile des personnes âgées.  De plus elle vole littéralement la vedette à ses partenaires en particulier à Peter Dinklage lors des scènes qu'ils partagent. Enfin, la mise en scène ne s'embarrasse pas de superflus et reste assez sobre, à l'exception du début et de la fin du long-métrage, au montage plus dynamique et usant d'une voix off (celle de Marla).

"I Care a Lot" s'avère une agréable surprise mais le long-métrage a tendance à se reposer essentiellement (peut-être trop?) sur l'excellente performance de Rosamund Pike et en oublie d'avoir un scénario un peu plus ambitieux et moins balisé.

Kevin GueydanEnvoyer un message au rédacteur

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