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LES HÉRITIÈRES

Un film de Marcelo Martinessi

L’élégant portrait d'une renaissance tardive

Chela et Chiquita partagent le même appartement. Mais Chela doit se résoudre à vendre une partie de ses biens, alors que Chiquita, accusée de fraude, se retrouve en prison. Déprimée, elle finit par accepter de jouer les taxis pour de vieilles dames du quartier...

Ce film, dont l’action se situe au Paraguay, dans la ville d’Asunción, développe en parallèle deux perceptions d’une vie « enfermée ». D’un côté il y a celle, réelle, de Chiquita, avec ses barreaux, où celle-ci reconstituant dans les lieux à la fois relation de pouvoir, comme relation de séduction. De l’autre, il y a la prison encore dorée de la bourgeoise Chela, entre rituels intérieurs rigides et entourage pas si bienveillant, qui observe sa lente dégringolade dans l’échelle sociale. Deux univers que le réalisateur relie ponctuellement de manière sonore, des discussions des riches aux bruits de la prison.

La manière dont Marcelo Martinessi développe ce couple de femmes peut se lire à différents niveaux, d'une histoire de liberté retrouvée à une peinture des différences sociales qui minent le pays. Depuis les premières scènes, filmées dans entre deux portes entrebaillées, alors que Chela observe sa compagne en train de négocier les prix du mobilier, c’est la renaissance de désirs et de sensations depuis longtemps enfouis qui caractérise le personnage. Un personnage marqué par le doute et la peur, dont la capacité initiale à transgresser se limite à conduire sur l’autoroute, ou à apprendre à fumer.

Récompensée du Prix d’interprétation féminine au Festival de Berlin 2018, Ana Brun donne corps et substance à cette femme vieillissante, dont le parcours intérieur se dessine sous nos yeux, tel un apprentissage tardif d'une certaine indépendance. Au cœur de ce drame feutré, par ses élans retrouvés qui se heurte forcément à un contexte qui lui est étranger, elle permet l’émergence d’une émotion ténue. Quant au film dans son ensemble, il livre en transparence, une cruelle peinture d'une société où les plus riches semblent n'avoir que peu de contact avec la réalité.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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