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ÉVOLUTION

Le début d'une petite révolution...

Au beau milieu de l’océan se trouve une île où un groupe de femmes y vit paisiblement avec leurs enfants. Chacune a un fils et l’un d’entre eux, Nicolas onze ans, se trouve être d’une nature plus curieuse que ses autres camarades. L’enfant commence à remettre en question l’environnement qui l’entoure et décide un soir de suivre sa mère et les autres femmes du village à leur réunion quotidienne au bord de la mer. Nicolas va alors très vite se rendre compte que cet Eden n’est peut-être qu’une illusion…

Lucile Hadzihalilovic est une réalisatrice française dont "Evolution" est le deuxième long métrage après "Innocence". Sélectionné en compétition au festival de Gérardmer 2016, le film a été présenté par la réalisatrice elle-même qui a rappelé ses liens avec Gaspard Noé, dévoilant au passage une appétence pour le cinéma de genre et esthétisant, et a conseillé d'apprécier en silence les premières minutes de son film pour « ne pas en perdre une miette ». Ce que l'on peut dire à la fin de la projection, c'est qu'on vient d'assister à une expérience cinématographique en soit ! On comprend dès l'ouverture du film qu'il sera avant tout sensoriel et visuel, bien loin d'un divertissement accessible à tous ou d'un film de SF codifié. Le métrage débute caméra sous l'eau. Les remous des vagues, la flore sous-marine et les jeux de lumière remplissent les dix premières minutes du film.

Lucile Hadzihalilovic nous annonce la couleur d'entrée de jeu : le film est contemplatif, au rythme quasi inexistant et marche grâce aux symboliques d'objets (notamment l'étoile de mer qui sera au centre de la première partie du film). "Innocence", son premier long, relatait l'histoire de jeunes filles dans une école de danse perdue au milieu de la forêt. Il prenait le même parti pris : lenteur, symboles, décor minimaliste, lieu isolé. Les deux métrages peuvent d'ailleurs se voir comme un diptyque sur le passage de l'enfance à l'adolescence. "Evolution", lui, comporte une ambiance qui lui ait propre grâce à ses cadrages très esthétisants, très posés. Un travail important a été fait sur l'ambiance sonore et les bruitages. La musique n'étant quasiment jamais présente (à part pour la séquence de fin), ces effets sont là pour construire une ambiance glaciale et silencieuse malgré le cadre idyllique de l'île. Les transitions sonores se font grâce aux pas de Nicolas dans le village et les vagues venant se fracasser sur les côtes permettent de couper net pour provoquer un effet d'attente lorsqu'une situation de suspens s'installe. Mais le vrai problème d'"Evolution" réside dans cette incapacité à s'ouvrir réellement. Si le film parle avec un langage qui lui ait propre, il reste trop hermétique, trop peu accessible et au final peut gêner bien des spectateurs. On sent une volonté de créer une ambiance mystérieuse qui pourrait ressembler au film "Le Village" de M. Night Shyamalan avec ses cadres posés, ses dialogues murmurés et sa communauté exilée qui possède ses secrets.

En outre, le film de Lucile Hadzihalilovic peine à convaincre totalement sur la durée (1h21 que l'on sent passer). La faute à un scénario qui manque de clarté (une fois le parti pris accepté, le film aurait pu répondre aux questions qu'il pose), à une absence de rythme réel dans ses séquences et notamment dans les scènes de dialogues où tout a tendance à se figer dans un champs contre champs des plus classiques alors que la réalisatrice faisait preuve jusqu'alors d'audace formelle. Le jeu des acteurs ne fait pas non plus partie des points forts. Julie-Marie Parmentier (la mère de Nicolas) ne semble pas à l'aise avec les dialogues minimalistes que fourni le script, ses expressions faciales sont trop appuyées et elle rate souvent le ton juste attendu. Reste Max Brebant (Nicolas) qui, à l'âge de seulement 14 ans, tient le film sur ses épaules. Saluons d'ailleurs la direction d'acteurs, les enfants étant les plus difficiles à diriger. Le jeune comédien est crédible, permet l'identification et, grâce à sa curiosité, il maintient la nôtre jusqu'au générique de fin. Hélas ! on ne peut que ressortir de la séance avec la sensation d'avoir vu un film ambitieux et original, proposant une vraie expérience de cinéma mais dont les faiblesses empêchent notre immersion totale.

Le film s'est vu remettre les prix du Jury et de la Critique au 23e festival de Gérardmer, des récompenses à voir comme un encouragement pour une cinéaste qui doit encore apprivoiser son potentiel et son ambition pour que la prochaine fois personne ne reste sur le bord de la route. Saluons donc cette entreprise esthétique de longue haleine. Saluons ce cinéma de genre français qui tente des choses et qui nous rappelle que nos auteurs, anciens comme nouveaux, ont encore des choses à dire et qu'ils savent le faire avec la manière.

Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur

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