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L'ENFANT D'EN HAUT

Un film de Ursula Meier

Les frères Dardenne ont trouvé leur digne héritière... en Suisse

Sur un haut plateau suisse, un garçon débrouillard vit avec sa sœur. Chaque jour, il revêt sa combinaison, prend le téléphérique et s'offre un forfait de ski, histoire de pouvoir voler discrètement le matériel des nombreux touristes étrangers ou les casse-croutes des élèves d'une école...

Le nouveau film de la Suissesse Ursula Meier, remarquée avec « Home » lors de la Semaine de la critique de Cannes 2008, ressemble en bien des points aux œuvres des frères Dardenne, réalisateurs belges connus pour leurs films dits « sociaux » (« Rosetta », « Le fils », « L'enfant »...). Adoptant elle aussi un point de vue social implacable, loin du comique désabusé et décalé de sa première œuvre, elle nous entraîne aux côtés d'un frère et une sœur qui habitent seuls. La tour lugubre qui les accueille est d'ailleurs en elle-même le symbole de leur isolement, car située dans la vallée, en contrebas de ceux qui peuvent s'offrir une semaine de ski hors de prix et se racheter immédiatement la veste ou les lunettes qu'on leur aura dérobées.

Derrière l'histoire, encore plus dramatique qu'il n'y paraît, puisqu'elle réserve bien des surprises, Ursula Meier dessine progressivement le portrait de Simon (formidable Kacey Mottet Klein), garçon de 12 ans obligé d'agir comme un adulte du fait des défaillances de responsabilité d'une mère désœuvrée, prête à se laisser embarquer par le premier mec venu. On assiste ainsi à l'expansion de la petite affaire du jeune voleur, redoutablement organisé. Celui-ci passe, en effet, de vols dispersés à du véritable recel d'équipements de ski, grâce notamment à un deal réalisé avec un cuistot anglais engagé dans la station (Martin Compston, vu dans « Sweet sixteen » de Ken Loach). Il développe en parallèle sa clientèle, passant des gamins du voisinage ou de la cour d'école, à un groupe d'adultes, trop heureux de profiter de sa jeunesse et de sa détresse sous-jacente.

Dans le fond, la force du film réside en la capacité de la réalisatrice et du jeune interprète à créer l'empathie avec ce malfrat en herbe. Son humanité se révèle en de furtifs moments, notamment lorsqu'il tente de nouer des liens avec une riche anglaise (la Gillian Anderson de « X-files », « Aux frontières du réel »), mère de substitution à qui il ment comme à tous les autres. Enfermé dans sa logique d'auto-exclusion, il est la cigale qui prépare non pas l'hiver mais l'été, perspective implacable de la perte soudaine d'une rente saisonnière, alors que sa sœur s'obstine à jouer les cigales ingénues. Bouleversant, « L'Enfant d'en haut » mérite donc qu'on laisse sa rébellion s'exprimer, épinglant les roublardises liées aux besoins les plus basiques comme la puissance corruptrice de l'argent. À l'image de ce plan où le gamin s'assoit sur un télésiège à l'arrêt, l'absence de perspective, opposée à la beauté des vues sur la campagne suisse, laissera longtemps des traces.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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