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DON'T WORRY DARLING

Un film de Olivia Wilde

Un scénario bien ficelé pour un surprenant thriller féministe

Alice est mariée avec Jack, ingénieur embauché sur le projet Victory. Tous deux sont donc logés dans une ville modèle, située en plein désert, où tout semble idyllique, depuis les pavillons offerts aux employés jusqu’aux services existants au centre-ville. Chaque matin, les hommes partent à quelques kilomètres travailler dans un mystérieux complexe souterrain. Et le secret à garder sur les activités de l’entreprise, dont les femmes au foyer ne savent rien, semble un prix bien faible à payer pour vivre dans ce lieu où tout est perfection. Alice elle-même ne se pose pas de question, jusqu’au jour où l’une de ses voisines est retrouvée seule dans le désert, une maquette d’avion rouge à la main, puis tenue à l’écart des autres…

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De ce point de départ bien mystérieux naît un thriller redoutablement efficace qui vous tient en haleine de bout en bout. Car en effet, Alice, témoin alors de phénomènes qu’elle ne s’explique pas (sa voisine isolée prête à sauter du toit de sa maison, un avion rouge en détresse dans le ciel qui semble s’écraser dans le désert…), va commencer à s’interroger. Le doute est donc planté, dans son esprit, et plus rien ne pourra l’en déloger : ni les petits soins de son mari, ni les paroles rassurantes des autres femmes, ni l’attitude du patron des lieux et de sa femme… Grâce à une direction artistique soignée, signée Erika Toth, et des costumes d’Arianne Phillips, la géométrie des lotissements, les véhicules comme les costumes évoquent une imagerie des années 50, que vient percuter le caractère futuriste de certains éléments (voir la manière de faire ses courses au centre-ville).

Bien entendu, les lotissements aux habitudes bien réglées, les tremblements de terre répétés, la situation du centre d'activité sous une étrange colline à l'écart, l’étrange crash de l’avion, voire les visions dont l’héroïne est parfois victime (mention spéciale à la séquence avec les œufs… vides), incitent le personnage comme le spectateur à se questionner sur la nature du fameux projet Victory. Mais sous ce monde en apparence idyllique se cache une réalité bien peu reluisante. La mise en scène tâche de mettre le spectateur mal à l’aise par petites touches. Après une leçon de danse, où symétrie et contrôle sont magnifiés, avec comme professeure une femme du patron faisant preuve d’une sournoise emprise, ce sont les limites mises aux libertés des habitants qui frappent, lors d’un voyage en tramway circulaire qui marque les limites de ce monde duquel seuls les hommes peuvent s’échapper quelques heures par jour.

Peu à peu la sensation d’enfermement du personnage est mise en avant (la scène où les murs et fenêtres la prennent en étau en est la symbolique la plus forte), suggérant comme pour sa voisine un dérèglement psychologique. Mais le scénario, redoutablement malin, n’en restera pas là, prenant le personnage au piège entre volonté de rébellion, peur de nuire à la carrière de son mari, et manipulations de la part d’un patron à plusieurs facettes. À travers sa surprenante intrigue, le film réussit avant tout à parler intelligemment de la domination masculine (l’une des scènes du début, où le couple fait l’amour sur la table, au milieu du dîner, est en soi déjà symbolique du caractère de « produit de consommation » dont peut relever Alice...), mais aussi de la collaboration de certaines femmes elles-mêmes à cette dynamique de pouvoir et d’emprise. Dans le rôle principal, Florence Pugh ("Les Filles du Docteur March") fait des merveilles, entre naïveté de départ et combativité hors normes. Elle partage l’affiche avec l’une des coqueluches du moment, Harry Styles, chanteur de One Direction, qui ne démérite pas. Quant à Chris Pine, il incarne un patron hautement inquiétant. Évoquant aussi bien "Edward aux mains d’argent" pour l’aspect réglé des lotissements, "The Truman Show" pour le bonheur en apparence parfait, qu’une saga plus récente dont on taira le titre de peur de donner un indice trop important, "Don’t worry darling" devrait combler les adeptes de scénarios tordus, oscillant entre dystopie et science-fiction.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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