DIRTY GOD

Un film de Sacha Polak

Reconstruction ratée

Défigurée à l’acide par son ex-compagnon, Jade sort de l’hôpital avec l’intention de se reconstruire. Tout ce qui lui importe désormais consiste à s’occuper de sa petite fille de deux ans et à remonter la pente. Mais le regard des autres et la pression sociale sont constamment au rendez-vous…

Dirty God film image

La première question qui vient à l’esprit lorsqu’on s’apprêter à visionner "Dirty God" est cruciale : pourquoi avoir fait ce film ? On croit connaître la réponse (en gros, témoigner des violences faites aux femmes et prolonger les réflexions féministes post-#MeToo), mais après avoir vu le film, on n’en est plus tellement sûr. Il y a certes la question du regard posé sur un corps féminin martyrisé qui paraît active dans chaque scène du film : d’un côté une héroïne couverte de cicatrices qui évite le regard des autres en se cachant (fuir les regards, utiliser un masque protecteur, se fondre dans les lumières rougeâtres des discothèques, etc…) et de l’autre un entourage, de la famille jusqu’aux collègues de bureau, qui essaie – par pitié ou par pudeur – de ne pas croiser son regard. Mais au bout du compte, "Dirty God" avance sur un terrain que l’on aurait vraiment préféré éviter, à savoir le mélo social hyper-lourdaud à la Ken Loach qui, au lieu de magnifier le combat de son héroïne à se reconstruire et à avancer vers ce qu’il y a de plus lumineux, se complaît à l’enfoncer dans un amas de galères sociales qu’un heureux événement final – pour le coup difficilement crédible – serait censé atténuer.

Bien sûr, la démarche intime et viscérale de la cinéaste et (surtout) de son actrice n’a pas à être remise en cause : la première tient son sujet fermement et jusqu’au bout, tandis que la seconde utilise cette histoire fictive comme écho direct à la sienne (les cicatrices faciales de Vicky Knight sont réelles et le combat de son héroïne pour l’acceptation de soi fut aussi le sien). Ce qui pose ici problème, c’est la suspension d’incrédulité que Sacha Polak essaie d’installer chez nous afin de susciter empathie et compréhension vis-à-vis d’un personnage désireux de se reconstruire. La plupart des scènes sont ainsi trop souvent des prétextes à voir l’héroïne s’enfoncer toujours plus bas sans qu’elle y soit encouragée, quitte à prendre le risque de la faire passer pour une idiote. À ce titre, et bien plus que les tensions résultant de ses besoins sexuels ou de ses responsabilités familiales, sa naïveté nous laisse bouche bée quand (Attention : spoiler), afin de se faire bientôt reconstruire le visage, elle n’hésite pas à payer d’avance une somme astronomique par Internet à une clinique marocaine sur laquelle n’existent ni photos ni information crédible – comment ne pas deviner à l’avance qu’elle est en train de se faire arnaquer ? Suivre un état de maladresse peut s’avérer touchant s’il est guidé par la persistance, mais pas par la bêtise, ce qui est hélas le cas ici. Un sujet aussi sensible et aussi fort méritait bien mieux.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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