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DEUX JOURS À TUER

Un film de Jean Becker

Un portrait subtil et fragile

Antoine Méliot possède en apparence une vie de rêve: un travail de publicitaire pour lequel il est reconnu et qui lui permet un train de vie très agréable, une belle maison, une famille aimante et soudée, un groupe d’amis fidèles… Mais voilà qu’un grain de sable vient perturber l’engrenage si bien rodé. Du jour au lendemain, Antoine devient détestable avec tous ses proches, les poussant à bout jusqu’à faire éclater ce bel équilibre, et quitter le domicile familial. Pour quelles raisons…?

Jean Becker, considéré comme le réalisateur français profondément « gentil » (au sens honorable du terme), laisse un peu de côté les fresques en campagne française, pour s’intéresser à une tranche de vie d’un quarantenaire ancré dans la société actuelle, dont on suit les errances, les contradictions. Tout l’intérêt réside dans le scénario originel qui nous cache ce qui conduit Antoine à tout faire basculer soudainement. La clé ne sera livrée que dans les tous derniers moments du film, offrant une relecture très émouvante de l’intrigue. Des indices sont disséminés au cours de l’histoire, suffisamment discrets pour que l’on ne s’y attarde pas, laissant la part belle à la fluidité du récit.

Le changement de ton est habilement mené, du cynisme à l’angoisse, notamment à travers le repas d’anniversaire d’Antoine où l’on assiste, mi-amusé mi-impuissant à l’implosion des rapports familiaux et amicaux. La patte de Jean Becker est reconnaissable, avec son talent pour filmer des personnages qu’on déteste autant qu’on s’y attache, car leurs travers nous concernent tous un peu. Les dialogues sont ciselés, le personnage d’Antoine n’est jamais caricatural mais toujours «border-line», ce qui rend le spectateur attentif au moindre changement dans le regard du héros.

Ce dernier, interprété par Albert Dupontel, offre un rôle parfaitement adapté à l’allure ambiguë de l’acteur, doté d’un physique impassible, impressionnant, dont la fragilité émane principalement des yeux, du sourire, des variations de la voix. Albert Dupontel joue avec profondeur et subtilité le désarroi de cet homme, dont les éclats de fureur côtoient la douceur. Sa femme, jouée par la délicate Marie-Josée Croze, est très convaincante en image projective des changements d’humeur de son mari, contrainte à composer, subir, et à se protéger.

La seconde partie du film se déroule dans les paysages splendides du Connemara, en Irlande, et coïncide avec la quête identitaire d’Antoine qui vient retrouver un père trop absent. Le duo formé par Pierre Vaneck et Dupontel sonne alors juste, les non-dits et la maladresse de leur intimité contrastant à merveille avec l’espace vierge des terres irlandaises où tout semble possible.

Adaptation du roman de François d’Epenoux, «Deux jours à tuer» montre à nouveau les qualités de ré-écriture de Jean Becker, qui réalise un film extrêmement émouvant, dont la construction ingénieuse intègre le spectateur au cœur des tourments des personnages. Alternant des séquences poignantes et apaisantes, ce film profond sur le choix d’un homme à un moment décisif de sa vie est un beau moment d’émotion.

Camille ChignierEnvoyer un message au rédacteur

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