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DES SAUMONS DANS LE DÉSERT

Un film de Lasse Hallström

De guerre Lasse

Quand un cheikh yéménite a pour lubie d’introduire des saumons dans les rivières de son aride pays, la jeune chargée d’affaires Harriet fait appel au scientifique Alfred, qui travaille pour un ministère, afin de réaliser ce projet totalement fou. Ça tombe bien pour tout le monde : Harriet voit son nouveau petit ami partir en Afghanistan sur le front, et Fred vit des moments difficiles avec sa compagne…

On sait le goût de Lasse Hallström pour un cinéma sucré aux limites de la crise de foie (« Le Chocolat »), un cinéma plein de bonnes intentions qu’il est aisé de tourner en dérision, et qui mérite souvent de l’être. « Des saumons dans le désert » n’échappe pas à la tentation du réalisateur suédois de mélanger de beaux acteurs à une histoire à la limite de l’insipide, comme il sait si bien le faire. S’il était louable de vouloir réunir à l’écran le sémillant Ewan McGregor (qui fut maître Jedi, ce n’est pas rien) et la lumineuse Emily Blunt (qui fut reine d’Angleterre, tout de même), le premier en improbable spécialiste des poissons et la seconde en idéaliste chargée d’affaires pour le compte d’un cheikh yéménite, il est moins excusable de s’être laissé embrigader dans cette histoire à dormir debout.

Ou plutôt, on reprochera à Lasse Hallström et à son scénariste Simon Beaufoy (pourtant aux commandes des scripts de Danny Boyle, « 127 heures » et « Slumdog Millionaire ») d’être largement passés à côté de cette adaptation d’un roman inclassable de Paul Torday, Partie de pêche au Yémen, fable ironique et invraisemblable illustrant les absurdités techniques et politiques du pouvoir britannique. Le livre était drôle et piquant, parce qu’il pointait du doigt les paradoxes de la communication à tout crin, favorisée par le Premier ministre de sa Majesté et son spin doctor (interprétée d’ailleurs ici par une impeccable Kristin Scott Thomas) afin de redorer le blason de la Grande-Bretagne dans le monde arabe. En 2008, date de la parution du roman, alors qu’on découvrait progressivement le rôle de Tony Blair dans la guerre en Irak bushiste, cela ne manquait pas de mordant. Las, ou Lasse ! Hallström a choisi l’angle de la comédie romantique douce-amère, reléguant à l’arrière-plan les bonnes feuilles ironiques sur les jeux de pouvoir (les messages instantanés échangés entre les ministres et Patricia Maxwell / Scott Thomas apparaissent à l’écran comme sur un fil de discussion), et préférant visiblement filmer Alfred / McGregor en train de pécher en compagnie de l’aimable et richissime cheikh, dont les chèques ne sont certes pas en bois.

Mauvaise direction narrative, donc, pour un film qui ne parvient jamais à se dépatouiller d’un pitch qui colle aux semelles du réalisateur comme un chewing-gum. On aurait aimé plus de folie dans sa construction, plus de surprises dans son déroulement, quitte à faire voler en éclat une structure par trop attendue. Au lieu de quoi tout ce petit monde semble curieusement prisonnier d’un récit en forme de piège que le réalisateur persiste à vouloir affronter de face quand bien même il se donne comme proprement irréaliste – soit l’inverse de ce que parvenait à faire Cameron Crowe dans « Nouveau départ », et cela parce qu’il avait l’intelligence de faire de son film un discours sur l’Amérique plutôt qu’une bluette sans consistance. Remarquables par leur bagout dans les trente premières minutes, les deux comédiens finissent par nous communiquer leur sensation d’enfermement, étriqués qu’ils sont dans des rôles dénués de promesses. L’étincelle créée par les quatre beaux yeux de Blunt et McGregor ne suffisent pas à enflammer une platitude programmée, trop premier degré. Et lorsqu’advient au finale un rocambolesque rebondissement, tout est déjà perdu depuis longtemps : l’événement, qui aurait pu être sublimement cynique, n’est plus que risible.

Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur

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