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DARK HORSE

Un film de Todd Solondz

Au royaume des coincés, les dépressives sont des proies faciles

Un geek d’une trentaine d’années, collectionneur de jouets, rencontre lors d’un mariage une jeune femme dépressive. Malgré le manque de connexion entre eux, il l’invite à sortir avec lui…

Todd Solondz (« Bienvenue dans l'âge ingrat », « Happiness », « Life during wartime ») ressasse une nouvelle fois ses thèmes de prédilection avec son nouveau film, « Dark horse », présenté en 2011 en compétition au Festival de Venise et dans le cadre d'un hommage au Festival de Deauville. S'ouvrant sur une scène de repas (presque comme toujours, puisque c'était déjà le cas dans « Life during wartime » et « Storytelling ») toujours aussi pathétique, « Dark horse » réitère le principe cher à l'auteur de l'humiliation du personnage masculin. S'il s'agit plus souvent chez lui de scènes de ruptures, c'est le principe inverse qui est posé ici. Marquant d'emblée la différence entre les deux personnages, le film fait donc se rencontrer un nouvel anti-héros, bedonnant et sans charme apparent, et celle qu'il voudrait avoir pour belle.

Trentenaire, véritable geek (son bureau et son appartement sont bourrés de statuettes de séries ou dessins animés, il a même un rubix cube qui pend à son rétroviseur), plutôt enveloppé, le personnage interprété par Jordan Gelber (surtout connu pour ses rôles dans des séries, comme « Law and order » ou « Boardwalk empire ») vit encore chez ses parents (incroyables Mia Farrow et Christopher Walken, aux costumes et coiffures seventies impossibles). Quant à la jeune femme, amorphe et dépressive, c'est la ténébreuse Selma Blair qui lui donne vie. Le couple qu'il cherche à former, semble, comme toujours chez Solondz, voué à l'échec, la fille se montrant évasive et gênée, cherchant à fuir, faisant attendre, voir oubliant carrément son courtisan.

Malgré tout, Solondz aimant à torturer ses personnages masculins, peu aidés par la nature, l'homme va persévérer, déployer toute sa maladresse (ah les coïncidences idiotes sur les dates et les chiffres...), chercher à la revoir et lui faire une demande en mariage un rien précipitée. Bref, une fois de plus, les personnages de Todd Solondz ne doutent jamais de rien et, souvent naïfs, prêtent le flan, sans honte, à de nombreuses humiliations imposées par la gente féminine. Il faut dire qu'ils ne sont pas bien malins (appeler son chien « Dog », quand même...) et que l'auteur aime à les étudier dans le détail. Quant aux femmes, elles ne sont pas bien profondes non plus, manquant cruellement de cervelle. Selma Blair, ici, réfléchit à la proposition qui lui est faite, se préparant à renoncer au bonheur.

Car le propre des comédies de Todd Solondz, est de pousser le cynisme le plus loin possible, en montrant l'impossibilité ou le peu de naturel des relations de séduction hommes-femmes, ainsi que tous les mauvais tours que peuvent se jouer les amants (la présentation de l'ex, Mahmoud, que le copain est supposer « aimer »...). Ici le personnage féminin donne une définition bien triste du mariage : l'abandon de l'espoir, de la carrière, du succès, de l'estime de soi... Cela fait envie ! Bref, toujours bardé d'un humour noir et amer, « Dark horse » ronronne gentiment sur le mode « je suis un film de Todd Solondz », mais n'apporte pas grand-chose de nouveau à l'univers du réalisateur. Il confirme juste les difficultés de personnes peu gâtées par la nature, pour avoir une relation amoureuse, mais offre cependant une galerie de personnages sympathiques (comme la secrétaire couguar, flippante). Réjouissant mais sans surprise.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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