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DALIDA

Un film de Lisa Azuelos

Bang Bang

Le portrait de la chanteuse Dalida, née au Caire en 1933 et restée star internationale jusqu’à son suicide en 1987…

Les biopics se suivent et se ressemblent. Logique : pour un scénariste, la matière est déjà là (il suffit avant tout de relier les points), et pour un producteur, le plus dur se résume alors simplement à acheter des droits d’auteur. Mais à bien y réfléchir, la substance d’un biopic n’est pas tant d’épouser la narration d’une fiche Wikipédia que de révéler in fine à quel point tout être humain est contradictoire. Des forces aux faiblesses, des qualités aux zones d’ombre, le genre ne fait que reprendre les mêmes ingrédients, et "Dalida" n’échappe pas à la règle : succès et tragédies s’y condensent sur un peu plus de deux heures (mais bon, n’est pas Scorsese qui veut…), le tout incarné par un casting vertigineux sur fond d’une compilation de numéros musicaux (ici éblouissants). Reste l’angle choisi pour analyser le personnage. Surtout réputée pour ses comédies jeunistes et branchouilles ("LOL"), Lisa Azuelos aura opté ici pour la méthode adoptée par Florent-Emilio Siri sur "Cloclo" : baser son découpage narratif sur l'utilisation des chansons comme des échos au parcours de l’artiste, et se focaliser sur son isolement progressif, de façon à mettre en exergue un être élevé trop haut pour ne pas être confronté à la frustration, pour ne pas dire carrément à la tragédie pure et simple. Le mystère Dalida n’existe plus, il ne reste ici que le mythe. Banco.

Passons sur le casting, se résumant dans l’ensemble à un défilé de sosies plus ou moins bien maquillés et fringués, avec surtout le mannequin italien Sveva Alviti dans le rôle-titre : cette dernière est aussi convaincante que charismatique, mais vu sa sidérante ressemblance avec Dalida, il faudra attendre de la voir dans un autre rôle pour juger de son véritable talent d’actrice. L’intérêt réside ici dans une mise en scène à la lisière du kaléidoscope, qui laisse briller de mille feux l’icône Dalida, diamant si rare qui ne cesse de scintiller et d’affirmer son désir d’indépendance, malgré l’ombre de la mort qui rôde autour d’elle et qui finira par faucher à peu près tous ceux qui ont peuplé son existence. Amoureuse, farouche, innovante et profondément libre, Dalida est ici moins un personnage qu’un mythe vivant, intact et irradiant, tiraillée entre un éden public et un enfer intime, dont Azuelos évoque la complexité en prenant le risque couillu de basculer d’un système narratif à l’autre (première moitié en flash-backs, seconde moitié plus linéaire). Ainsi, elle se montre à la hauteur de son sujet, fait confiance à l’image – et notamment à ses superbes jeux de lumière – pour que le cadre lui-même soit vecteur de sens (même si la meilleure idée de mise en scène se révèle être celle qui clôture le film) et élève l’émotion sans jamais abuser du pathos. Brillant sans être clinquant, son film convainc et touche juste.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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