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CÉSAR DOIT MOURIR

Prisonniers mais humains

Une représentation théâtrale s'achève. Brutus, mort, se relève, aidé par ses compagnons. La foule applaudit, la troupe exulte. Les spectateurs s'éloignent, lançant quelques regards d'empathie en direction de ces hommes qui viennent d'assurer le spectacle, et laissant apparaître... leurs laisser-passer. Ces visiteurs sortent par des grilles. Quant aux acteurs, ils retournent ensuite dans leurs cellules, la prison dans la prison...

Les frères Taviani (« Le soleil même la nuit », « Padre padrone », « Les affinités électives ») reviennent donc, cinq ans après le drame poussif « Le Mas des alouettes », avec un documentaire tourné sur six mois dans le quartier de haute sécurité de la prison Rebibbia à Rome. Cette œuvre, ardue mais profondément humaine, a obtenu au Festival de Berlin 2012 la récompense suprême, l'Ours d'or.

Après la scène d'introduction, un assez classique montage présente les auditions, montrant l'aspect massif et viril de ces hommes devant tout à coup exprimer des émotions (la tristesse, la colère...) face à un metteur en scène, de manière aussi forcée que soudaine. Le tout est un mélange de drôlerie et d'amateurisme, révélant déjà quelques personnalités (comme celle d'un des prisonniers qui prétend être un « citoyen du monde »). Puis, vient la présentation du casting retenu, froide, sur fond d'harmonica, affichant consciencieusement les condamnations de chacun... Le cadre est posé.

Principalement filmé en noir et blanc, pour représenter tout ce qui est répétitions, et ne s'intéressant jamais vraiment aux motifs qui ont amené ces hommes dans ces lieux, « César doit mourir » montre comment des prisonniers se laissent peu à peu imprégner par leurs rôles, exprimant une palette d'émotions dont semblent incapables leurs comparses détenus, moqueurs, non impliqués dans l'atelier théâtre en question. Creuset d'une possible réhabilitation, la pièce de Shakespeare (Jules César) entre en résonance avec leurs actes passés, mais aussi avec les relations développées entre eux en prison, créant nombre de tensions.

Rancœurs, jalousies, trahisons, meurtres, ces hommes-là ne sont pas des enfants de chœur et paraissent pourtant avoir trouvé un équilibre dans cette poche de liberté simulée. Construisant leur semi-documentaire entre lieu collectif voué au théâtre et d'autres lieux de la prison (les cellules, les couloirs où on passe la serpillière...), les frères Taviani prouvent que les plus viles des hommes peuvent être touchés par la grâce. Laissant penser que des règlements de compte peuvent se produire, tout comme dans la pièce que les prisonniers jouent, ils montrent que les mots agissent comme des libérateurs de tension, des facteurs d'apaisement et finalement des vecteurs de civilité. Un film humain et non dénué d'un certain humour pour une expérience qui gagnerait sûrement à être renouvelée.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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