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BRODRE : MARKUS ET LUKAS

Ce qui éloigne enfants et adultes

Markus et Lukas sont deux frères norvégiens. Lorsqu’ils jouent au bord de la rivière, dans un cabanon délabré, le plus jeune n’ose finalement pas sauter à l’eau. Avec sa caméra, leur mère les suivra jusqu’à ce que le courage vienne, peut-être...

Les premières scènes de ce documentaire norvégien font nécessairement penser à une fiction. La beauté de la lumière et la sensation d’espaces conférée par les lieux, les hésitations des deux garçons, l’un téméraire, l’autre suiveur, alliés aux cadrages impeccables et à un montage mettant en avant l’omniprésence du vent, laissent espérer un récit sur l’enfance, à la fois prenant et émouvant. Pourtant le générique qui suit ne laisse aucun doute : leur mère, réalisatrice, désireuse de montrer initialement comment deux enfants deviennent des amis voire des frères, les a filmés depuis tout petits.

Ignorant au final les conséquences de ce choix, elle décide d’appliquer sur ses deux bambins, un processus intellectuel qui revient notamment à leur poser régulièrement des questions existentielles, sans se rendre compte du décalage qu’elles ont avec leur réalité. Elle perd alors progressivement le contact avec son sujet de départ, mais aussi la complicité avec ses fils, laissant entrevoir son incapacité à les laisser vivre leur vie (et donc potentiellement s’en aller…). Si une certaine émotion se dégage de ce désarroi et qu’il est facile d’intégrer certains passages (les paroles douces accompagnant les images de la barque, exprimant le temps disponible dans l’enfance), il est plus difficile d’adhérer au processus choisi sur la longueur.

Car dans le fond celui-ci révèle diverses rigidités parentales ou d’étranges absences de réaction, à des moments pourtant clés de cette dizaine d’année d’observation. Au travers des stéréotypes sur le genre charriés par un père fan de football (ah l’éducation par le sport ! nous voila revenus 30 ans en arrière), c’est la difficulté des parents à évoluer avec leur époque ou leur inconsciente projection de leurs désirs sur les destins de leurs enfants qui se font jour. Cependant, la présence de la mère en filigrane, réfléchissant à sa propre posture, finit par agacer quelque peu. Quant à ses commentaires ou réprimandes, présents sur le sujet du comportement en classe ou face aux devoirs, ils sont malheureusement absents lorsque l’un des deux affirme « comprendre » les émeutes et menaces de morts des islamistes envers l’auteur des caricatures de Mahomet… Un peu plus d’implication aurait donc sans doute été nécessaire, au lieu d’une observation un rien nombriliste, que les enfants au final finissent d’ailleurs par démasquer par eux-mêmes.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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