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BONE TOMAHAWK

Un film de S. Craig Zahler

Inattendu et inespéré : une grande surprise

1850 aux États-Unis. Bright Hope est une paisible ville, quelque part entre le Texas et le Nouveau-Mexique. Mais son calme quotidien se voit perturbé lorsqu'une tribu de cannibales troglodytes kidnappe des habitants du village. Le shérif local et quelques citoyens partent alors à la recherche des disparus, direction l'enfer...

Sortie directe en DVD, BluRay et VOD le 11 mai 2016
L'ouverture du film retranscrit son essence. On voit un pauvre malheureux se faire trancher la gorge par deux voyous. Le sang coule en plans rapprochés pour que le spectateur n'en perde pas une miette. Les gueule cassées sont là avec en prime un petit clin d’œil à deux films complètement fous de Rob Zombie – "La maison des 1000 morts" et à "The devil's rejects" – via ce petit rôle donné à Sid « Captain Spaulding » Haig qui joue ici un des deux voyous meurtriers. Le cinéaste l'annonce via ce clin d'œil et cette scène d'ouverture puissante ; nous sommes dans un vrai film d'horreur et il sera sale.

Les arbustes secs et la poussière sont bien présents. Le réalisateur, S. Craig Zahler, nous le dit humblement mais de façon percutante : nous sommes dans un western. Les codes sont respectés : les décors arides et les grands espaces, la réalisation classique mais appuyée et solide, une brochette d'acteurs qui ont de la bouteille, une escalade de la violence jusqu'à un final attendu et en même temps redouté. De nombreuses thématiques comme celle de la foi sont abordées, bref, tout y est. On retrouve un air de "La prisonnière du désert" de John Ford, surtout via le synopsis et cet amour des grands espaces. Le film est d'une richesse affolante du moment où l'on commence à se pencher dessus. Un premier film qui force l'admiration et le respect pour ce réalisateur auparavant scénariste – reconnu pour son script sur "The Incident" de Alexandre Courtès en 2016. Pas d’esbroufe de mise en scène, pas d'effets numériques moches et ratés, une direction d'acteur splendide, des dialogues jouissifs, un suspense toujours efficace.

Et Dieu sait que le mélange des genres peut s'avérer être une recette compliquée lorsqu'on investit le peu d'argent que l'on a dans des scènes d'actions (R.I.P "Priest" de Scott Stewart) ou lorsque l'on arrive à manier spectaculaire et respect des personnages (Coucou "Death Proof" de Quentin Tarantino). Le long-métrage de Zahler - 2h12 tout de même – nous rappelle incontestablement le cinéma de ce dernier, sans son excentricité caractéristique. Mais les deux hommes n'ont pas les mêmes intentions, et la comparaison s'arrête à la justesse du rythme et au verbe qui fuse. La présence de Kurt Russell, toujours impérial, résonne en nous comme une invitation à retrouver le suspens de "The Thing" de John Carpenter. On avait ici une menace non détectée et un groupe d'individus qui part à sa recherche en territoire hostile, tentant par tous les moyens de s'en débarrasser. On remplace les grands espaces de l’Arctique par ceux de l'Ouest Américain, le monstre extraterrestre par une bande d'indiens cannibales, et le tour est joué.

Mais le talent du cinéaste est de nous citer tout un pan de films faisant partie de la culture populaire, en se le réappropriant. Il développe dans son film sa propre grammaire et sa propre identité. Certes, on remarque les similitudes, mais la démarche est si honnête et sincère envers le western et le film d'horreur qu'on conserve cette sensation de découverte et d'inconnu. Constamment, et c'est suffisamment rare pour être souligné, on se demande comment cette histoire prendra fin. Et même si le film se conclut de façon un peu abrupte, l'attente aura été récompensée. Le climax final où l'on découvre avec horreur cette tribu monstrueuse, compte son lot de scènes chocs qui raviront tous les amateurs de gore (une torture que l'on ne spoilera pas ici, mais qui est à coup sûr déjà culte...). Le revirement des 30 dernières minutes vers un survival horreur gore et crasseux rappelle parfois certains concepts à la "Mad Max" de George Miller. On ne gâchera pas la surprise, mais l'idée vaut le détour !

"Bone Tomahawk" brasse ainsi ses influences et les assume pour mieux les dépasser. Le western est un genre hyper codifié ? Très bien, allons-y, soyons respectueux des codes mais célébrons-les ! Ceci explique aussi la présence de ce casting 5 étoiles. Kurt Russell bien sûr mais aussi Patrick Wilson en mari infirme, Richard Jenkins en second du shérif désopilant, apportant sa touche de fraîcheur en restant naturel, et Matthew Fox en homme cynique dont on savoure les répliques. Un casting parfaitement dirigé, des effets minimalistes, une mise en scène épurée et efficace, "Bone Tomahawk" où le parfait DTV que l'on n'attendait pas.

Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur

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