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BLANCANIEVES

Un film de Pablo Berger

Magique

Dans les années 20 en Espagne, Antonio Villalta est un torero célèbre marié à une magnifique chanteuse de flamenco. Lorsque dans les arènes de Séville, il combat à lui seul 6 taureaux, le dernier de ceux-ci le blesse grièvement le laissant paralysé. En parallèle, sa femme décède en couche, donnant naissance à une petite fille : Carmen. Le père, désespéré, et sous l'influence d'une sombre infirmière, renie alors son enfant, qui sera élevé par sa grand mère maternelle...

Un an après « The artist » voici donc que débarque sur nos écrans un nouveau film muet en noir et blanc. Si la plongée dans le cinéma des années vingt n'a donc plus rien de nouveau, la comédie romantique qu'était le film de Michel Hazanavicius laisse place à un drame flamboyant où l'émotion l'emporte sans mal, au sein d'une œuvre poétique qui met du baume au cœur. Auréolé de deux prix au Festival de San Sebastian, dont le prix spécial du jury, cette fable revue et corrigée à la sauce espagnole andalouse vaut indubitablement le détour.

Son premier atout est sans nul doute l'adaptation intelligente du conte des frères Grimm, matinée de d'une touche de Cendrillon, détournant les rouages de l'histoire au profit d'un lien père-fille perdu, et d'un douloureux deuil amoureux. Le scénario effectue notamment une superbe parabole de la rivalité sur la beauté, qui passe ici par l'affichage de la belle mère et de Blanche Neige dans un ancêtre des magazine people. Il se permet même d'évoquer un autre conte, de Charles Perrault cette fois-ci : Le Petit Poucet.

La séduction opère également grâce à une mise en scène somptueuse, utilisant à merveille le noir et blanc, et les ressorts d'un cinéma d'antan. Pablo Berger utilise ainsi de très belles idées de transitions, d'un gros plan sur un œil du taureau qui renvoie sur celui d'un homme, à une robe de communion trempée dans un bac de teinture qui devient une robe noire, symbole de deuil. Il joue aussi sur les thèmes musicaux, qui s'adaptent aux situations ou personnages, avec en particulier l'instrument à vent, une flûte, qui marque chaque arrivée du meilleur ami de Blanche neige enfant, le coq Pepe.

Les images fortes se succèdent, du portrait du père en médaillon lâché par la mère en train de mourir et échouant dans une flaque de sang d'un noir forcément intense, à la scène magique de retrouvailles du père et de sa fille, dans une danse endiablée entraînant le fauteuil roulant d'un homme au regard mêlé de joie et de tristesse, en passant par un dîner bien particulier. Si la noirceur domine, le idées amusantes ne sont pas en reste, avec notamment les nains, devenus ici des toreros... et qui sont 6 et non 7.

Si cette histoire est étonnement revenu à la mode depuis un an, avec pas moins de quatre adaptations (la version politique et enchantée avec Julia Roberts, la version aventureuse ratée avec « Blanche neige et le chasseur » et un téléfilm rapidement oublié), dans cette version andalouse du conte, chaque détail conte, jusque dans la douce exagération des sourires sarcastiques de la marâtre (Maribel Verdú, machiavélique). Enfin soulignons la qualité du casting, avec en tête Macarena García en Blache neige, prix d'interprétation à San Sebastian (ex-aequo avec Kathie Coseni dans « Foxfire »), Angela Molina en grand-mère protectrice et un nain au visage d'ange dont les grands yeux disent tout l'amour qu'il porte à sa belle. Tous font de ce « Blancanieves » un film fougueux et exaltant, jouant avec les symboles ancestraux de l'Espagne (la tauromachie, le flamenco...), reconstituant un Séville d'autrefois (dont les environ des arènes « El colosal »), tout en vous emportant dans un magnifique drame baroque.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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