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BIRDMAN

Une mise en scène sublime pour un casting prodigieux

Riggan Thomson, acteur autrefois très connu pour le rôle du super-héros Birdman, blockbuster aux différentes suites, tente, après une longue traversée du désert, de monter une pièce de théâtre à Broadway. Espérant retrouver le devant de la scène, il doit affronter ses propres démons, de ses proches à son propre ego...

Après avoir fait l'ouverture du Festival de Venise, le nouveau Alejandro González Iñárritu (« 2 grammes », « Babel », « Amores perros ») est certes reparti bredouille mais restera comme l'un des films marquants de cette édition, proposant non seulement une véritable performance technique, mais aussi une puissante réflexion sur le métier d'acteur, ses hauts et ses bas, l'impact de la célébrité, et les failles d'un artiste qui n'en est pas moins homme. Le film s'ouvre d'ailleurs sur une phrase qui sous-tend l'ensemble de la réflexion développée ici : « est-ce que tu as eu ce que tu voulais dans la vie » ? Comme pour mieux marquer l'impact d'un métier envahissant, au point d'impacter nécessairement la vie privée.

Porté par un casting aussi pertinent sur le papier que percutant à l'écran, son « Bidman » est certainement son film le plus réussi au niveau mise en scène, donnant l'apparence d'un unique plan séquence, jusque dans les dernières minutes du long métrage. Les enchaînements sont d'une fluidité confondante, et les quelques coupes d'une discrétion qui les rend à peine perceptibles. Nous baladant dans les coulisses et les alentours du théâtre de Broadway où un acteur surtout connu pour son rôle de super-héros (le fameux Birdman du titre) tente de monter une pièce en forme de réflexion sur l'amour, la caméra passe d'un personnage à l'autre, donnant à voir les entrailles, comme les dessous, du métier.

Le choix de Michael Keaton pour le rôle principal n'est pas anodin, puisqu'après avoir lui aussi interprété un homme volant (les premiers Batman de Tim Burton) il a lui aussi connu un long passage à vide depuis une dizaine d'années. L'acteur est ici en pure état de grâce, jonglant entre ses conflits intérieurs (une voix caverneuse incarnant le super-héros qu'il a abandonné avant un quatrième épisode) et ceux avec ses proches (Andrea Riseborough, géniale en amante délaissée) ou rivaux (Edward Norton, envahissant et odieux obsédé sexuel). L'aspect planant et confiné du film, à l'image de cet homme perdu dans ses pensées, est particulièrement pertinent. Et lorsque la vie reprend le pas sur la névrose et les inquiétudes, à la suite de la fameuse Première de la pièce que répètent les acteurs pendant le film, c'est logiquement un découpage serré qui prend place, rythmant avec plus de punch une nouvelle tranche de vie.

Même si on pourrait un peu reprocher à Hollywood de se regarder le nombril, le scénario aborde avec subtilité les affres du métier d'acteur, l'envisageant sous divers angles, des incidences sur la vie de famille (les confrontations avec sa fille sortant de cure de désintoxication, devenue son assistance, sont juste bluffantes, grâce à l'incroyable Emma Stone, aigrie à souhait), aux élans égocentriques incontrôlables (il voudrait « voler au dessus des autres »...), jusqu'à l'implacable perception du vieillissement (le personnage dit lui-même« j'ai l'air d'une dinde avec la leucémie »), ou encore le rapport avec les critiques (et aux étiquettes). Au delà, le film ose aussi, à travers des dialogues aussi bien orchestrés que le bal des corps, une réflexion sur les différences entre admiration et amour, entre désir d'importance et célébrité, entre amour de la scène et haine du public.

Doté de qualités formelles, esthétiques, narratives, scénaristiques, philosophiques, et surtout expressives, le film constitue au final un objet fascinant, dont l'attrait aura su séduire l'Académie des Oscars, qui lui aura finalement décerné 4 statuettes, dont celles des meilleur réalisateur et meilleur film.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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