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BEAUTY

Un film de Oliver Hermanus

Beauté dévastatrice

François est un père de famille respecté par sa communauté, les Afrikaans. Pourtant, cet homme rangé, au physique imposant, s’adonne en secret à des pratiques contre nature, avec d’autres hommes « de son espèce ». Tout cela ne semble pour lui qu’un détail. Jusqu’au jour où il s’aperçoit qu’il ressent des choses ambiguës pour son filleul, beau jeune homme d’une vingtaine d’années…

« Beauty » est de ces films qui installent progressivement une ambiance pesante, déclenchant un malaise incontrôlable, jusqu'à vous glacer le sang. La première scène dévoile d'emblée le drame qui couve : un impossible et inadmissible désir. Un long travelling avant sur une file d'invités arrivant à un mariage, avec au fond, le visage d'un jeune homme qui se dégage peu à peu. Confondu lorsque celui-ci se retourne, la musique s'arrête, en même temps que le regard de l'observateur, représenté par la caméra, se détourne. François ne peut s'empêcher de regarder celui qui deviendra son obsession, et le symbole d'une vie qu'il n'aura jamais. Ou pire : le symbole d'une vie qu'il n'aura jamais osé avoir.

Car, justement récompensé de la Queer Plam 2011 au Festival de Cannes, le film parle d'homosexualité refoulée. Sujet à la mode dans les années 80-90, le refus du coming-out, les doubles vies (ici occasion de pointer le racisme subsistant : « pas de folles, pas de métisses » dans les soirées secrètes...), l'hypocrisie et les malheur inhérent sont abordés ici avec une sensibilité et une noirceur très contemporaines. Le dénouement n'en sera pas pour autant moins dramatique, avec une scène de viol à la limite du soutenable. Mais la force du film est d'arriver à suggérer toute l’ambiguïté du personnage, victime semi-volontaire de sa propre condition, et l'humanité qui se cache derrière cette façade de monsieur respectable devenu un monstre.

La seule respiration qui lui est offerte traduit, en silence, toute la frustration, qui subsistera à jamais : seul, assis à une table, il observe un couple gay, deux garçons qui ont pour eux la jeunesse, la complicité, la tendresse. Dans les yeux du personnage se lit une seule chose : l'envie. Une envie qui peut mener au pire, comme dans ce film feutré, qui sous un calme apparent, recèle un dilemme propre à déclencher toutes les tempêtes.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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