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APRÈS MAI

Un film de Olivier Assayas

Un retour, très personnel, à la réalité

Quelques années après Mai 68, les activistes de gauche n’ont plus le vent en poupe. Gilles continue ses activités militantes et se partage entre deux amours, celui d’une peintre qui décide de partir à Londres, et celui d’une camarade plus BCBG. Mais son envie de cinéma commence à poindre…

Olivier Assayas (« Clean », « Les Destinées sentimentales », « Carlos ») dépeint, dans « Après Mai », les divisions des mouvements militants au lendemain de Mai 68, et la disparition progressive du rêve d'une nouvelle société. Pour cela, son scénario original, en partie autobiographique et primé au Festival de Venise 2012, se concentre sur un groupe de jeunes activistes, élèves d'un lycée de banlieue parisienne, que l'on découvre rapidement auteurs de tags à messages politiques sur la façade du lycée, et capables de revanches violentes vis-à-vis de ceux qui entravent leur action (voir le clash avec les vigiles du chantier les ayant dénoncés...).

Assayas situe son action en 1971, alors que le communisme est fortement remis en cause, syndicats comme membres du parti étant souvent accusés de collaborer avec l'ennemi, qu'il s'agisse des hommes politiques ou des patrons. L'envie d'agir pour l'intérêt commun et l'espoir de l'auto-gestion persistent cependant, comme au travers du collectif de documentaires (le collectif « Porc et pique ») dans lequel entre son héros, où les sujets à traiter sont discutés collectivement (un film sur le Laos, un autre sur un village italien qui a résisté 3 mois face à l'État).

Mais le film décrit surtout un difficile retour à la réalité, le temps des choix personnels comme collectifs étant bientôt là. Le personnage principal, Gilles, a beau faire partie d'une bande qui se serre les coudes, il a beau coller des affiches, participer à des meetings, il n'en reste pas moins divisé entre deux approches de la vie, et surtout deux amours : celui d'une fille aisée partie à Londres rejoindre son père, et celui d'une autre militante, à qui il devra en partie son amour du cinéma, tout comme, malgré lui, à la passion de son père pour son travail, auprès de qui il accepte de travailler sur des adaptations de Maigret qu'il qualifie de « faites à la va-vite ».

« Après mai » pose ainsi la question d'un « et maintenant ? » autant militant que personnel, esquissant deux portraits aux antipodes l'un de l'autre. Il y a d'abord la jeune artiste romantique représentée comme torturée (elle brûle un tableau après le lui avoir montré en disant : « il était pour toi, tu l'as vu ; plus personne ne doit le voir »), dont l'attitude est facilitée par les origines sociales « argentées », alors qu'elle se veut contestataire. De l'autre, il y a la jeune fille sans le sou, progressivement engagée dans une production de documentaires qui ne peut finalement se passer d'un véritable circuit de diffusion, et qui risque donc d'être récupérée par le système.

La dichotomie qui se dessine entre monde libre et monde marchand est donc au cœur d'un film qui observe malheureusement à distance plus qu'il ne fait ressentir le tiraillement de ses personnages, et qui pose une nouvelle fois des questions propres à l'approche de tout cinéaste. Le fond doit-il aller de paire avec la forme ? Peut-on porter un message contestataire vis-à-vis du système tout en adoptant un langage de cinéma classique (ici qualifié de « bourgeois ») ? Toutes ces questions en filigrane d'une œuvre qui arrive néanmoins à capter l'air d'un temps de désenchantement progressif. Un temps où le héros, comme bon nombre de jeunes qui avaient peur de « passer à côté de leur jeunesse » et pour qui « le travail pouvait attendre », a dû finalement choisir entre se séparer des influences néfastes, ou poursuivre dans un militantisme se transformant progressivement en terrorisme.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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