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80 JOURS

Un film de

Drôle d'endroit (et d'âge) pour une rencontre

Axun, une femme de 70 ans, apprend que l'ex-mari de sa fille est à l’hôpital dans le coma. Malgré l'avis de cette dernière, émigrée à l'autre bout du monde, et les réticences de son mari, Axun décide de se rendre à son chevet. Mais l’homme partage sa chambre avec un autre malade dont s'occupe Maïté, une femme qu'Axun a du mal à reconnaître, mais qui fut un temps, à l'adolescence, sa meilleure amie...

C'est à une belle histoire de retrouvailles entre deux amies que nous invite le film basque « 80 jours ». Cette histoire de femmes mûres, dont la relation passée était empreinte d'une attirance physique indéniable, donne naissance à un film qui interroge sur l'envie parfois fugace de faire revivre une complicité liée pourtant à une autre époque. Car ici chacune a naturellement évolué avec le temps, l'une ayant accepté sa nature, alors que l'autre en semble définitivement incapable.

« 80 jours » commence en quasi huis-clos, partagé entre une chambre d'hôpital où la grisaille s'estompe peu à peu grâce à des signes d'amitié, et un foyer où la routine transpire au travers de chaque geste machinal, la femme s'effaçant au profit d'un homme pourtant transparent et silencieux. Puis vient la sortie au grand air, offrant quelques splendides vues sur les environs de San Sebastián, comme signe d'une vie qui recommence ou qui débute enfin, en ce Pays basque conservateur...

L'attirance entre les deux femmes est décrite avec minutie, au fil de ces jours qui les séparent d'une inéluctable décision, et de la mort annoncée de l’ex-beau-fils. Les réalisateurs manient intelligemment les flash-back, captant aussi les gestes en apparence les plus anodins, mais souvent les plus lourds de sens. Ainsi, chacun reconnaîtra ici les signes d'une histoire inaboutie. Qu'il s'agisse du souvenir d'un moment de plus grande proximité que les autres, que l'on ne cesse de revoir en boucle, de l'idée folle de pouvoir raviver les sentiments passés, de l'audace d'avoir enfin les gestes qu'on n'a jamais vraiment osés, l'histoire devient universelle de par ses détails. Et elle nous pose finalement la terrible question : peut-on réellement s'avouer qu'il est un jour trop tard ?

Mais « 80 jours » traite tout de même d'homosexualité et donc du regard que chacun porte sur soi-même. Son pudique scénario met face à face une provocatrice qui sait user d'humour pour séduire, alliant gestes protecteurs (qu'on pourrait prendre pour masculins) et paroles rassurantes, et une femme hésitante, enfermée dans la gêne, la peur de l'abandon, et un certain sens du devoir qu'on pourrait aussi voir comme un égoïsme lâche... Si toutes deux ont envie d'aller l'une vers l'autre, elles ne sont plus seules dans cette histoire. Et se dessine en filigrane sur la fin du film, le portrait d'un homme qui sent que quelque chose se passe et décide enfin de se rebeller, d'agir, de sortir d'une torpeur trop facile. Ce portrait triste d'un vieillard effacé, qui semblait avoir oublié toute passion, touche au plus profond et rappelle aussi que la vie est faite de choix. Un film qui nous rappelle cruellement qu'il n'y a peut-être pas de passion sans besoin de conquérir l'autre ou sans peur de le (ou la) perdre.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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