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SAINT AMOUR

Retour aux fondamentaux

Chaque année, Bruno fait la route des vins au sein même du Salon de l’Agriculture. Mais cette année, son père Jean y présente son taureau. Afin de se rapprocher de lui, Jean décide d’emmener Bruno faire une vraie route des vins à travers la France. Les voilà embarqués dans un voyage riche en rencontres, en compagnie d’un jeune chauffeur de taxi…

Difficile de nier l’attachement que l’on peut avoir pour le duo grolandais formé par Benoît Delépine et Gustave Kervern. Leur cinéma, riche d’une singularité thématique pour le moins couillue et d’un humour transgressif de plus en plus rare au pays du camembert, constitue encore aujourd’hui un véritable bol d’air frais et de liberté, où l’on peut rire de tout sans que jamais la gaudriole ne soit privilégiée au détriment d’une vraie humanité. Et après une parenthèse expérimentale des plus insignifiantes ("Near Death Experience"), les voilà qui reviennent à leurs fondamentaux pour un road-movie tendre et délirant, en compagnie de deux acteurs avec lesquels ils avaient déjà travaillé (Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde). Pour autant, "Saint Amour" ne procure pas la même jubilation que leurs précédents travaux, et ce pour une raison très simple : pour la première fois, le duo ne donne pas l’impression de renouveler une partition qui nous semble désormais si familière.

À la réflexion, l’idée de départ (circonscrire une route des vins aux différents stands viticoles du Salon de l’Agriculture) aurait pu donner lieu à un vrai pari de cinéma, mais des contraintes de production les ayant empêché de le concrétiser, les deux réalisateurs auront finalement choisi de revenir à leur genre de prédilection, à savoir le road-movie. D’où une virée alcoolisée à travers la France, destinée à relancer l’amour filial et à trouver l’amour tout court auprès des femmes rencontrées sur le trajet. En l’état, on voit bien l’idée d’un trajet visant à enfiler les interactions hasardeuses, aussi décalées qu’hilarantes. Mais vu qu’on a l’impression d’avoir déjà emprunté le même chemin avant, on en arrive à se lasser des étapes proposées…

Moins délire ivre sur le vin que comédie épicurienne sur l’ivresse de l’amour, "Saint Amour" donne parfois l’impression de ressasser la tonalité douce-amère de "Mammuth", en prenant juste soin d’y placer un Poelvoorde plus saoul que jamais, histoire de faire monter le délire. Sauf que ce sont les rencontres féminines qui font tout le sel du film, d’une Andréa Ferréol gourmande à une Céline Sallette bouleversante, en passant par une Ovidie piquante. Dans ces moments-là, en confrontant des hommes bourrus à des femmes très différentes qui les mettent face à leur vraie nature, une forme d’innocence quasi enfantine se dégage des échanges, et ce jusqu’à un final aussi réconciliateur que culotté. "Saint Amour" émeut et touche, c’est certain, mais il ne bouleverse pas autant que prévu. On attend désormais de Delépine et Kervern qu’ils transcendent leur formule gagnante afin que leur cinéma précieux ne finisse pas à terme comme le beaujolais. Que ce soit très bon à boire est une chose, mais que le goût reste toujours le même alors qu’on recherche la surprise en est une autre.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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