Bannière Reflets du cinéma Ibérique et latino américain 2024

POTICHE

Un film de François Ozon

Aujourd'hui Madame

Suzanne Pujol est une femme mariée et respectable. Chaque jour, elle s’occupe du jardin, fait de la gym et se passionne pour la poésie. Son mari Robert, patron d’une grande fabrique de parapluie, est lui totalement réactionnaire, égoïste et infidèle. Les ouvriers de son usine, régulièrement spoliés, entament alors une grève. Or le conflit se durcit, et Robert Pujol se retrouve séquestré. Suzanne fait alors appel à l’ennemi juré de son mari, Bardin, député maire communiste de Sainte-Gudule, afin que celui-ci l’aide à négocier la libération de son époux…

Dans la famille Pujol, je voudrais le père ! Sans cesse absent, râleur, et surtout toujours bien caché derrière sa secrétaire, il est impossible… à dénicher. La mère, elle, est une carte aisée à acquérir. Telle une Potiche, elle trône au centre du jeu, tout à côté de la fille, elle-même peu affairée, et du fils, lui un peu plus ! Ajoutons comme Joker, un député maire communiste, brassons le tout et nous voilà partis pour une joyeuse comédie vintage savoureusement caustique.

Fort bien inspiré, Ozon dépoussière ici les grandes valeurs du comique français d’après mai 68, époque où l’on se moquait joyeusement des odieux chefs d’entreprise (Blier, De Funès) aux prises avec plus malins qu’eux ou presque (Jean Yanne, Pierre Richard). Cependant, le film aborde ici un sujet nettement moins convenu pour l’époque, puisque qu’il donne le premier rôle à la femme du patron, offrant ainsi la postérité aux plus grandes potiches du cinéma français, Maria Pacôme, Claude Gensac… toutes ces épouses, futiles et bécasses, faire-valoir délicieusement drôles de maris abjects.

Pour honorer la réhabilitation de cet exquis personnage, Ozon ne lésine pas et offre le rôle à Catherine Deneuve, icône mondiale de l’élégance à la française. Il s’amuse de cela et n’hésite pas à lui faire faire un footing, avec des bigoudis, dans une forêt du Nord Pas-de-Calais. Mais rassurez-vous, son survêtement Adidas lui sied tout autant qu’une robe d’Yves Saint-Laurent.

Car c’est bien là tout le charme du film. Ozon ne laisse rien au hasard et dépasse la parodie en peaufinant chaque détail. Les costumes et les décors sont authentiques et minutieusement choisis pour embellir tout en poésie un scénario impeccable et des dialogues truculents. Bien sûr, les références au passé émoustilleront les plus de trente ans en leur rappelant leurs jeunes années. Mais “Potiche” n’est pas qu’un film “revival”, et son adaptation de la pièce de Barillet et Grédy est loin de se cantonner à une représentation d'“Au théâtre ce soir”. Ozon a de l’humour et sait parfaitement nous le faire partager. De bout en bout, il pare son film d’anecdotes désopilantes et n’hésite pas à faire des clins d’œil à des événements bien contemporains.

Parfaitement orchestré, le rythme du film ne connaît aucun temps mort. De plus, les acteurs nous sont tellement familiers qu’on a l’impression d’être nous-mêmes de la famille. Depardieu et Deneuve, incarnent à eux seuls le cinéma français dans la majorité du globe. Luchini et sa verve légendaire se complaît parfaitement dans son rôle de salaud misogyne. Jérémie Renier, sous ses faux airs de Claude François, s’amuse de son rôle de styliste en parapluie. Judith Godrèche, souvent peu inspirée, est ici parfaitement crédible dans le rôle de la potiche junior. Enfin, Karin Viard est toujours aussi sublime, composant à merveille l’un des plus beaux personnages du film, celui de la secrétaire. Qu'ils ont dû se faire plaisir, tous ces acteurs, à jouer dans un tel bijou ! Car sous couvert d’être une comédie franchouillarde, “Potiche” se révèle être une petite perle de bon goût. Un régal !

Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur

À LIRE ÉGALEMENT

Laisser un commentaire