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TETE DE TURC

Un film de Pascal Elbé

Hors des clichés

Interpellations en banlieue, les jeunes sont aux abois. La violence de cette arrestation musclée provoque des envies de revanche envers les forces de l’ordre. Un médecin urgentiste stationné dans une voiture équipée d’un gyrophare, des jeunes désœuvrés et en colère, un cocktail Molotov... et la situation part en flammes. Heureusement, le médecin est sauvé in extrémis par un jeune de la cité. Le même qui a mis le feu à la voiture...

Visage familier du cinéma français, on l’avait surtout connu en tant qu’acteur et pour sa première réalisation, Pascal Elbé s’en sort avec les honneurs. Genre trop souvent raté en France, le côté polar de « Tête de Turc » est rondement mené et habilement couplé à un discours social.

Le point de départ de l’histoire est inspiré d’un fait divers: l’incendie d’un car par des jeunes à Marseille. Dans le film, c’est la voiture d’un urgentiste (joué par Elbé lui-même) qui est mise à feu par un jeune qui, constatant la portée de son acte, le sauve in-extremis. Cette dualité bourreau / héros est ce qui capte au premier abord l’attention. Ceci étant, Elbé choisit de ne pas tirer toutes les ficelles de cette situation et préfère construire un univers urbain crédible afin d’injecter de l’épaisseur à son polar. Il prend soin d’insuffler une portée sociale à travers des dialogues soignés qui confrontent intelligemment les positions sans jamais porter de jugement ou tomber dans le didactisme habituel de ce genre de production. Ainsi les séquences de la confrontation d’idées entre les deux frères dans la voiture, sont certainement les plus réussies à l’image.

Le réalisateur adopte un récit en mosaïque, à la manière d’Inarritu, une de ses références, et la plupart des personnages secondaires bénéficient d’une consistance qui nourrit l’intrigue principale. Il construit tout un microcosme et développe de façon plus ou moins fouillée les multiples individus touchés de près ou de loin par la tragédie. Les rôles des mères élevant seules leurs enfants sont criant de justesse et remarquablement interprétés par Ronit Elkabetz et Florence Thomassin. Roshdy Zem et Pascal Elbé tiennent bien leurs rôles d’arméniens aux idées divergentes mais la véritable révélation demeure Samir Makhlouf, épatant de retenue et de sincérité. Seul le personnage de Simon Abkarian, en veuf accablé, aurait mérité d'être plus approfondi. Il apparait en définitive comme un vulgaire artifice scénaristique qui gâche quelque peu une fin que l'on perçoit comme bâclée, et qui achève le film sur une fausse note. Dommage.

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

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