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THE READER

Un film de Stephen Daldry

POUR: Niveau +3 - Bouleversant, dérangeant, magnifique

Alors qu’il n’est adolescent, Michael Berg rencontre une femme d’une trentaine d’années, avec laquelle il va vivre une passion aussi furtive que bouleversante. Avant leurs étreintes, Hannah lui demande de lui faire la lecture, et s’abreuve des histoires que lui conte son jeune amant…

Il est des films dont il est difficile de parler de peur de trop en dire, et « The reader » en fait partie. Car au delà de cette histoire d'amour, le contexte dans lequel elle s'inscrit est tout aussi important. L'action se passe d'abord en 1955, 10 ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, en Allemagne de l'Ouest. Loin d'être meurtrie par la guerre, la vie se déroule simplement, et les mœurs évoluent (les écoles deviennent mixtes...). Malgré la culpabilité qui ronge encore certains esprits, pour d'autres cet « épisode » de l'Histoire ne semble pas avoir eu d'impact sur leurs vies...

Ce qui est intéressant dans « The reader », c'est justement le fossé qui sépare les deux personnages, du point de vue de leur rapport au passé. Elle, a connu l'enfer, et lui, n'en connait que les souvenirs des autres, ou ce qu'il peut lire dessus. Et de ce fait, ce qui les sépare aussi, est le pardon... Pour mettre en scène cette relation complexe, Stephen Daldry (« The hours », « Billy Elliot ») jongle parfaitement avec sa caméra, de plans en plans, et arrive à nous faire ressentir de l'intérêt et des émotions là où certains n'en verraient pas, ceci sans effet de style trop appuyé. Les émotions, il les tire du jeu des acteurs et cela fonctionne très bien. Loin de vouloir influencer le jugement de son audience, il essaie de dépeindre chaque scène avec neutralité et pudeur, la même pudeur qu'avaient les gens à cette époque, et il respecte ainsi chaque personnage dans ses valeurs.

Du point de vue casting, Kate Winslet est tout simplement magnifique dans ce rôle de femme seule, abîmée par les épreuves, d'une froideur extrême, et toujours digne. Elle incarne son personnage avec une telle conviction et un tel dévouement, que le spectateur ne peut rester insensible à son destin. On comprend aisément pourquoi elle a été récompensée par l'Oscar de la meilleure actrice en 2009, car bien qu'elle n'ait pas besoin de ce prix pour montrer au monde qu'elle est une excellente actrice, on peut dire que son parcours n'est truffé que de bons rôles et de belles rencontres.

Pour lui donner la réplique, David Kross, qui interprète le jeune Michael Berg, est lui aussi assez bluffant dans son jeu d'acteur et dans l'intensité qu'il met à interpréter ce jeune homme torturé par son premier amour, et dont la vie sera à jamais changée par cette rencontre. On regrettera seulement une chose : le fait que le film ait été tourné en anglais. Cela lui enlève tout le charme qu'il aurait pu avoir en allemand. On est également amené à se demander si un réalisateur allemand aurait traité de la même manière ce sujet, ô combien délicat, de la culpabilité et de la manière dont chacun s'efforce de vivre avec.

Véronique LopesEnvoyer un message au rédacteur

Ce qu'on retiendra du nouveau film de Stephen Daldry, c'est certainement son parcours incroyable entre Golden Globes et Oscars, qui aura valu à une Kate Winslte inspirée, un Oscar de la meilleur actrice, pour un rôle pour lequel elle venait tout juste de recevoir... le Golden Globe de l'actrice dans un second rôle ! On se souviendra aussi du parcours du combattant qu'a dû subir le film pour pouvoir sortir en salles, changeant de distributeur à quelques semaines de sa sortie en salle, initialement prévue pour début avril.

Mais trêve d'anecdotes, parlons un peu du film, tout aussi insipide et exsangue d'émotions, à l'image de son personnage principal, impénétrable à l'excès, livide, et jamais impliqué. A la lecture du synopsis, le spectateur espérait forcément trouver une femme rongée par la culpabilité, responsable de ses actes en tant que militante fasciste. Il n'en est rien, et celle-ci restera désespérément hors du monde, arrivant à peine à s'impliquer dans l'univers humain qui l'entoure, réfléchissant en terme de raison alors que le monde appelle à la sensation.

Malgré une magnifique scène de face à face entre une survivante des camps et Ralph Fiennes (l'adolescent devenu grand), bouleversante, cette réussite ponctuelle n'enlève rien au ridicule du début du film, tourné en anglais avec un accent allemand. On a bien du mal à se passionner pour cette liaison charnelle jalonnée de pourtant jolies scènes de nu, mais un rien trop naïves, qui surtout ne dégagent pas le moindre véritable érotisme. Stephen Daldry (« Billy Elliot », « The hours ») confirme d'ailleurs son manque d'inspiration avec la pauvreté visuelle des scènes de tribunal... qu'il choisit de ne jamais illustrer par des éléments du passé.

Reste une réflexion intéressante sur le devoir de mémoire, exprimée en quelques phrases par la survivante qui parle des camps que les touristes d'aujourd'hui vont visiter, entre curiosité malsaine et envie d'images fortes. Comme elle le dit, « les morts sont toujours morts... ça ne sert à rien d'y penser ». Même si le leg aux générations d'après est indispensable en terme de leçon, « dans les camps on n'apprend rien... n'allez pas visiter les camps, rien n'en sort jamais ». Il vaut mieux se tourner vers l'avenir, vers la vie malgré tout. Au final, ces dialogues constituent en quelques sortes les 10 minutes d'espoir et de positivisme d'un film de deux heures, résolument fataliste et fermé.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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