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LA CHUTE

Autopsie d’un monstre

Les dernières heures du règne d’Hitler, enfermé dans son bunker entouré de ses généraux, tandis qu’à l’extérieur l’arrivée des Russes dans Berlin sonne la fin du nazisme…

Oliver Hirschbiegel, en s’emparant d’un sujet aussi fascinant que casse-gueule, ne pouvait qu’attirer la polémique. Celle-ci n’a pas manqué à l’appel, que ce soit en France ou plus encore outre-rhin. Les détracteurs défendent l’idée selon laquelle on ne peut humaniser Hitler. Un argument vain puisque même s’il est difficile de se l’avouer, le dictateur tristement célèbre n’en était pas moins un homme qui devait pisser, manger et dormir. La première qualité du film est sans doute de saisir, avec toute l’ambiguïté et le trouble que cela suppose, le fait que ce monstre assoiffé de pouvoir était un homme. Un homme avec sa propre morale, un homme qui pensait détenir la vérité. Et l’horreur du personnage de nous questionner sur notre propre humanité.

Ce trouble provient autant de l’effrayante crédibilité des acteurs que de la sobriété de la mise en scène, sans esbroufe, dépeignant cette Chute avec froideur et sécheresse. Cette mise en scène glaciale concentre immédiatement l’attention sur les personnages. Les situations que ceux-ci convoquent rendent finalement accessoire toute considération en terme de scénario ou de réalisation, tant l’Histoire est édifiante et se « suffit » à elle-même. Plus encore que l’absurdité, l’effroi et le grotesque suscités par Hitler, c’est l’aveuglement jusqu’au-boutiste de ceux qui l’entourent qui glace le sang et malmène nos convictions, atteignant une froideur inouïe lorsque la femme de Goebbels empoisonne méthodiquement et un à un ses six enfants.

Si le film trouve une sorte d’apogée dramatique à travers la mort d’Hitler, la mise en scène de cette dernière partagera à coup sûr. Hirschbiegel choisit la solution du hors-champ, refusant de donner littéralement corps au cadavre du monstre, refusant aussi d’apaiser certaines consciences qui y auraient trouvées une forme de conjuration. Pourtant le choix du cinéaste est historiquement sensé : nul n’a jamais retrouvé le corps d’Hitler, et le cinéma n’est pas un charognard qui se doit d’exhumer les vestiges d’un âge révolu. Et même si la dernière demi-heure, passée la mort de Goebbels, s’étire en longueurs inutiles, flirtant avec un pathos malvenu, il en faut plus pour que ce film remarquable de justesse et d’intelligence en souffre.

Thomas BourgeoisEnvoyer un message au rédacteur

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