Festival de Cannes 2025 : pronostics pour le palmarès officiel

Si pendant plus d’une semaine le film espagnol "Sirat" était le seul à véritablement ressortir d’une compétition relativement tiède, les films présentés durant les deniers jours sont venu en nombre renforcer le contingent des candidats sérieux à la Palme d’or et autres prix. On se livrera donc comme chaque année à l’exercice des pronostics, plus incertain que jamais, Juliette Binoche et son jury devant livrer le résultat en début de soirée.

L’Espagne comme grande favorite

Pour la Palme d’or c’est sur le film de Carla Simon, "Romeria", portrait complexe d’une famille aux secrets bien enfouis, qu’on choisira comme favori. Non seulement le casting, emmené par la jeune et formidable Llúcia Garcia, apporte suffisamment d’ambiguïté aux personnalités et intentions de chacun, mais le scénario comme le choix de montage alternant entre évocation du journal intime d’une mère disparue et découverte des membres d’une famille dont l’héroïne a jusque là été à l’écart, font de ce film un trésor de sensibilité, autant qu'un bouleversant hommage à la mémoire des disparus.

En Grand Prix on verrait bien le percutant "Sirat" d’Oliver Laxe, puissante parabole sur l’effondrement du monde, qui nous entraîne à la suite d'un père (Sergi Lopez) et son fils, recherchant sa fille dans des rave party en plein désert marocain. Véritable choc visuel et sonore, le film s’avère déchirant, alors qu’un petit groupe s’enfonce entre désert et montagne, tempêtes de pluie et de sable, vers l’inconnu. Une œuvre éprouvante, qui a certes plus les caractéristiques d'un Prix du jury (souvent remis pour l’originalité ou l'innovation), mais qu’on espère voir créer la surprise.

Des films chinois et allemand pour la mise en scène

Découvert jeudi soir, c’est le nouveau film de Bi Gan ("Un Grand Voyage vers la nuit") qui devrait valoir à celui-ci le Pris de la mise en scène. Impressionnant du début à la fin, "Resurrection" est un film fleuve qui permet à l’auteur de revisiter, au fil d’une histoire certes peu claire de « rêvoleur », sur plus de deux siècles, différents genres de cinéma (muet, contemplatif, policier, vampires…), en convoquant tout du long le fantastique et évoquant la possible fin du cinéma. L’introduction, aux images mêlant décors réels et photographies, comme la conclusion dans un théâtre de cire avec des spectateurs en silhouette de lumière, sont des plus troublantes. Quant aux plans séquences, ils sont légions.

L'autre prétendante, que l'on verra bien ex-aequo pour ce prix est la réalisatrice allemande Mascha Schilinski, dont le "Sound of Falling" est une impitoyable peinture des maltraitance envers les femmes. Le brio du montage, la qualité de la photographie et les nombreux passages onirique de ce sombre ensemble de portraits autour d'une ferme, a en tous cas marqué les festivaliers.

Des prix d’interprétations peu évidents

Si les rôles forts féminins sont multiples cette année (de Léa Drucker dans l’efficace "Dossier 137" à Jennifer Lawrence dans l’excessif "Die My Love"), on pariera finalement sur Parinaz Izadyar, interprète du film iranien "Woman and Child", lancée dans une guerre tous azimuts suite au décès de son fils, adolescent turbulent et baratineur. Parmi les outsiders, on soulignera que Renate Reinsve, ici en actrice angoissée en opposition à son père réalisateur, dans "Valeur Sentimentale", a déjà eu le prix d’interprétation féminine pour "Julie (en 12 chapitres)" du même réalisateur Joachim Trier, ce qui diminue forcément ses chances. Quant à l'ensemble des jeunes actrices de "Jeunes Mères" des frères Dardenne, leur qualité de jeu très inégale devrait ne pas permettre un prix collectif pour ce film social réussi mais sans surprise.

Du côté des rôles masculins, c'est probablement le brésilien Wagner Moura qui devrait recevoir le prix d'interprétation, le film faisant l'unanimité ici, en dénonçant la traque des opposants au régime militaire. "L'Agent Secret" est à la fois un thriller prenant et imprégné de toute une époque. Parmi les outsider notons que Josh O'Connor est dans deux films, en acteur principal, en musicien traumatisé par sa mobilisation lors de la Première Guerre Mondiale dans "The History of Sound" et en braqueur du dimanche dans la comédie ironique "The Mastermind" signé Kelly Reichardt.

D'autres prix plus ouverts

On verrait bien le film de Joachim Trier "Valeur Sentimentale" recevoir le Prix du scénario, grâce à sa subtile approche du traumatisme d'une actrice qui voit son père lui proposer de jouer dans son nouveau film, ravivant ainsi souvenirs et tensions. Un prix qui pourrait aussi revenir à "Les Aigles de la République", même si Tarik Saleh l'a déjà eu pour "La Conspiration du Caire", ou encore à "Woman and Child" de Saeed Roustaee.

"Un Simple Accident" de Jafar Panahi devrait remporter le Prix du jury, pour sa dénonciation en règle des violences subies par des civils pour lesquels la tentation de vengeance serait un chemin trop facile. Il pourrait d'ailleurs partager le prix avec "The History of Sound", délicat drame signé Oliver Hermanus, dans lequel deux mélomanes se rapprochent et collectent les chansons qui se transmettent oralement, le tout sur fond de séquelles de la guerre de 14. Notons également, que "Nouvelle Vague", dans l'hommage qu'il constitue à Jean Luc Godard, pourrait très bien ravir le prix, à moins qu'un prix spécial ne soit créé pour cette comédie espiègle.

Enfin on espère que la Caméra d'or récompensera le film thaïlandais "Un Fantôme Utile", déjà primé du côté de la Semaine de la critique. Rendez-vous à partir de 18h40 ou 19h pour découvrir le palmarès de ce 78e Festival de Cannes.

Pronostics pour le palmarès officiel :

Palme d’or
ROMERIA
de Carla Simon

Grand Prix du jury
SIRAT
de Oliver Laxe

Prix de la mise en scène
Bi Gan
pour RESURRECTION
ex-aequo
Mascha Schilinski
pour SOUND OF FALLING

Prix d’interprétation masculine
Wagner Moura
dans "L'Agent Secret" de Kleber Mendonça Filho

outsiders :
Josh O'Connor dans "The History of SOund" ou "The Mastermind"
Farès Farès dans "Les Aigles de la République"

Prix d’interprétation féminine
Parinaz Izadyar
dans "Woman and Child" de Saeed Roustaee

outsiders :
Renate Reinsve dans "Valeur Sentimentale"
Jennifer Lawrence dans "Die My Love"

Prix du scénario
VALEUR SENTIMENTALE
de Joachim Trier

outsider :
"Les Aigles de la République" de Tarik Saleh

Prix du jury
UN SIMPLE ACCIDENT
de Jafar Panahi
ex-aequo
THE HISTORY OF SOUND
d'Oliver Hermanus

outsider :
"Nouvelle Vague" de Richard Linklater

Camera d’or
UN FANTÔME UTILE
de Ratchapoom Boonbunchachoke