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Festival d'Annecy 2021 : Regard sur la Compétition courts-métrages – Partie 5

18 juin 2021
Festival d'Annecy 2021 Impression 12 courts métrages en compétition programme 5 L’Amour en plan
© Ikki Films

La cinquième et dernière section de courts-métrages en compétition fut clairement celle des curiosités et des ovnis. Du coup, c’est un peu la fiesta fourre-tout, histoire de finir en beauté…

Du fortement bizarre

On rentre déjà très fort dans le bizarre avec "Ils dansent avec leurs têtes". Son concept pèse déjà lourd en la matière : la tête tranchée d’un chorégraphe se retrouve captive d’un aigle sur une île déserte située on ne sait pas où. La suite est encore plus déroutante : on bascule dans une visualisation de son amour de la danse. Quel rapport entre ces deux espaces narratifs ? Mystère et boule de gomme. C’est un peu comme si on avait voulu rapprocher deux sujets sans rapport par le seul biais d’un raccord animé, ici relativement grossier puisqu’il consiste en une surface aquatique sur laquelle n’importe quoi peut apparaître. Tout juste peut-on apprécier cette animation qui donne l’impression de voir une toile de Van Gogh prendre vie…

"Le Conducteur de train" est une petite pépite en provenance d’Allemagne. Sa magnifique animation joue à fond sur les nuances de gris et de noir pour représenter les angoisses intérieures d’un conducteur de train traumatisé par le suicide de certaines personnes sur ses propres rails. Une beauté plastique en bonne et due forme, à laquelle s’ajoute un cadrage de la voie ferrée en plongée comme dans l’intro mémorable d’"Europa" de Lars Von Trier (ça y fait en tout cas penser).

Du plutôt singulier acceptable du temps très court

Le concept du franco-autrichien "O" est assez singulier : faire bouger un personnage au sein d’un espace « réel » sans lui faire faire le moindre mouvement. Comment faire ? Facile : plusieurs photos du même personnage sont montées bout à bout tandis que la caméra effectue un panoramique non-stop à 360°. Un effet de boucle qui montre très vite ses limites sur une durée pourtant réduite de cinq minutes, surtout en raison de ce principe tournoyant qui n’évolue jamais et de cette unique note musicale qui fait ici office de bande-son. Ça devient si vite lassant qu’on se satisfait du fait que ça ne dure pas plus longtemps.

On trouve même encore plus court avec, surprise, un deuxième volume du concept "Concatenation" (le premier faisait déjà partie de la partie 2 de cette compétition), mais cette fois-ci limitée au cadre des jeux olympiques. Soit un nouveau montage bidouillé de réactions en chaîne, avec des athlètes soumis à un mouvement de pirouette/culbute dans les airs. Comme son prédécesseur, ça passe très bien le temps sur une minute chrono.

L’utilisation du temps réel

Dans cette catégorie de film d’animation dont l’évolution du dessin fait se construire un enjeu fort en temps réel, "Ecorce" et "All Those Sensations In My Belly" en tiennent chacun une sacrée couche. Le premier repose sur un espace blanc à la "Nothing" où le temps semble suspendu et où l’apparition de la couleur dérègle la routine du quotidien – concept très simple mais pas spécialement novateur ni même stimulant à l’écran. Le second fait plus fort en incarnant sa lecture du changement de sexe par une belle image inaugurale : un personnage touche le bout d’un feutre rouge, ce qui fait remonter l’encre tout au long de son bras jusqu’à lui dessiner les lèvres en rouge. On peut y voir une façon originale de traiter un sujet très actuel par l’image, la texture et le dessin.

Du WTF (What the fuck !)

On a souvent fait mention de quelques animations WTF durant les sections précédentes, alors en voici deux nouvelles à se mettre sous la dent. Avec "Il est temps", un réalisateur polonais passe en mode Jean-Luc Godard afin d’évoquer les « trafics » au Japon, qu’il s’agisse de la foule ou des mouvements ferroviaires. Très étrange collage animé, parfois proche de l’épilepsie, mais souvent fulgurant et inspiré. "MeTube 3" constitue de son côté l’ultime épisode d’une trilogie, et nul besoin d’avoir vu ses deux prédécesseurs pour se familiariser avec son concept de loge d’opéra soumise à un décalage animé tous azimuts. Ce n’est pas la panacée en matière de délires animés, mais ça fait sourire.

Et un film très séduisant

Le dernier court de cette section est peut-être l’un des plus séduisants de cette édition 2021. Avec "L’Amour en plan", Claire Sichez lorgne clairement du côté de Michael Haneke au vu d’un regard aussi entomologiste sur la cellule familiale, de plus en plus soumise à l’isolation de chacun de ses membres dans sa propre bulle jusqu’à ce que le vernis se mette à craquer. La différence avec le maître autrichien, c’est que la frustration des personnages évolue ici vers autre chose que de la violence (la fin souligne une réconciliation en marche).

Le minimalisme du cadre et du découpage, reposant sur une animation 2D proche de "South Park", fait la part belle à un humour pince-sans-rire qui ne cesse de pousser le bouchon du chaos familial : découpe du drap du lit conjugal en deux, installation d’un mur dans le salon, arrachage du papier peint en fonction des goûts d’untel, etc… Le genre de comédie animée et grinçante qui aurait tout à fait sa place au palmarès.

Guillaume Gas Envoyer un message au rédacteur
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