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INTERVIEW

TOUS LES DIEUX DU CIEL

Quarxx

réalisateur et scénariste

C’est dans le cadre du Festival les Hallucinations Collectives 2019 que Quarxx a accepté une interview pour quelques journalistes lyonnais. Compte rendu des échanges.

Entretien Interview Rencontre Quarxx réalisateur et scénariste du film Tous les dieux du ciel
© To Be Continued

"Tous les dieux du ciel" est le premier long-métrage de Quarxx ayant une sortie en salles. Il raconte la genèse un peu compliquée de ce projet. Le film, qui a toujours été pensé comme un long-métrage a eu une première vie sous un autre nom, "Un ciel bleu presque parfait" en tant que moyen métrage. Quarxx explique avoir pris la décision de faire "Un ciel" suite à son impossibilité de trouver des financements. Il a donc pris son scénario et l’a réduit à l’intrigue principale et à sa plus pure noirceur. Il pensait ainsi se faire une carte de visite royale. Le film a eu un succès au-delà de toutes espérances. Ils sont allés dans plus de cent soixante festivals, de genre ou très généralistes. Il a donc pu réunir les fonds pour lancer la production d’un long. Cependant, il n’a pas pu trouver assez d’argent pour retourner toutes les scènes. Ayant déjà fait exactement ce qu’il voulait dans le moyen métrage, il l’a directement inscrit dans la production du long. Tournant avec la même équipe deux ans plus tard, il n’a fait que poursuivre le projet et, en quelque sorte, l’achever.

Mais continuer un projet deux ans plus tard peut présenter quelques problèmes, comme le lieu principal de l'intrigue (la maison où vivent Simon et Estelle) qui a été détruit et qui a donc dû être reconstitué en studio. Mais cela a aussi servi le film, comme par exemple le fait que ce soit les deux mêmes enfants qui jouent Simon et Estelle jeunes et qui, dans la deuxième séquence de souvenir, sont deux ans plus vieux.
Quarxx, s’il aime l’improvisation, explique qu’il n’y en a pas du tout dans le film car il savait très précisément ce qu’il voulait. Il n’avait pas non plus suffisamment de moyens pour se le permettre. Tous les plans étaient extrêmement préparés et répétés car il voulait un rendu très esthétique. Sans vouloir non plus faire un film de chef op, car l’histoire est primordiale pour lui, Quarxx a fait face au double enjeu d’avoir de belles images tout en laissant les comédiens libres.

Pour le montage, il a travaillé de manière assez peu conventionnelle car il a donné à son monteur les trente heures de rushes et lui a demandé de faire le montage, en en faisant un lui-même de son côté. Ils se sont retrouvés un mois plus tard pour confronter chacun leur version et garder le meilleur de chacune des deux. Ils ont ensuite retravaillé un mois et demi ensemble pour peaufiner la dernière version.
S’il n’est pas très friand de musique seule, Quarxx est assez pointu sur la musique de film. Il raconte alors qu’il cherchait un perchman sur le court-métrage, on lui recommanda Benjamin Lauret. Il le rencontre et sympathise avec lui. Il va très vite lui faire monter les échelons. C’est donc un seul homme qui gère les bruitages et toute la composition musicale sur le film. Quarxx est très heureux de leur collaboration car ils étaient sur la même longueur d’onde et que Benjamin a su, quand lui n’arrivait pas à mettre des mots sur ce qu’il voulait, comprendre exactement ce qu’il avait en tête.

L’aspect fantastique du film est un point d’achoppement. Pour Quarxx, le film n’a rien de fantastique, c’est un drame rural sur la paranoïa et les remords. Tous les éléments fantastiques sont de pures projections de l’esprit de Simon, des chimères qu’il crée pour faire face à la culpabilité qui le dévore. Mais le réalisateur a tout de même voulu ponctuer son film de moments surréalistes qui se passent d’explications, c’est pour cela qu’il a fait la scène du poulpe qui tombe sur la voiture ou la scène d'étranglement avec les yeux noirs (référence à la conversation qu’il a eu avec Zoé dans la voiture).

Ainsi, le film alterne des moments de drame, presque de tragédie sociale, comme la scène qui se révèle être un viol, entre Estelle et le gigolo que son frère embauche et des scènes complètement surréalistes. Quarxx explique que dans cette première séquence son but était de montrer la maladresse du frère dans ce qu'il fait pour sa sœur, car tout ce qu'il fait, il le fait pour elle, mais il s’y prend mal, et ainsi, bien que ses intentions soient bonnes, elles deviennent négatives dans la réalisation et le résultat est un viol. Pour le réalisateur, Simon n'est pas assez dans la réalité des choses pour comprendre que le destructeur de sa sœur c'est lui-même.

La scène la plus surréaliste du film, qui a un traitement visuel complètement différent, issu d’un moment de délire total de Simon, est la scène d’opération dans le vaisseau extraterrestre. Quarxx explique que généralement, toutes ses œuvres sont référencées. Ici, il a voulu se libérer autant que possible des citations extérieures pour faire une œuvre aussi personnelle que possible. Cette scène est la seule à faire exception à la règle : elle fait référence à "Fire in The Sky" de Robert Lieberman. Du côté réalisation, cette scène venait clore le court-métrage et a donc été tournée à ce moment-là. Ils ont tourné les vingt et un plans de cette scène en une journée, à toute vitesse. Pour Quarxx, ils ont joué avec le feu car cette scène pouvait très bien tomber dans le ridicule et tuer le film. A l’époque tout le monde avait peur, mais le résultat a été satisfaisant, et le fait que ce soit une séquence fantasmée leur a servi comme protection car ils n’avaient pas besoin d’être dans le réalisme.

La dernière scène du film, qui n’était pas présente dans le court-métrage, est un changement de lieu radical. Quarxx voulait garder une idée de confinement et aimait bien l’aspect qu’avait le monastère. Il s’est aussi servi de ce changement de lieu comme l’occasion de changer le rapport de force entre le frère et la sœur. Il voit son film comme ayant une fin ouverte, le fait qu’Estelle retienne son geste n’est qu’un répit pour Simon et ne présage rien de l’avenir.

Cette ultime séquence est également l’occasion de proposer une nouvelle caractérisation d’Estelle, qui va avec le changement du rapport de force. Pour la première fois, elle apparaît avec des vêtements, sa poitrine est cachée, cette poitrine qui avait pu surprendre au cours du film car elle était ce qui ramenait Estelle à son âge véritable. Sa poitrine et son corps qui venaient rappeler au spectateur qu’elle est une femme. Quarxx explique que dévoiler la poitrine d’Estelle n’était pas consciemment fait pour choquer car il n’avait aucun désir de sexualiser le personnage, au contraire, cela rendait, par exemple, d’autant plus pénible la scène avec le gigolo. Il ne voulait cependant pas cacher le corps de manière pudique, il voulait que les rapports avec le frère et la sœur soient les plus normaux et que si la couverture tombe, elle tombe. Par les habits qui sont rendus à Estelle, elle retrouve son humanité, sa puissance et le choix entre le pardon et la vengeance.

Thomas Chapelle Envoyer un message au rédacteur

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