INTERVIEW

THE ROOM

Christian Volckman

Réalisateur et scénariste

C’est dans l’un des salons très cosys du Grand Hôtel de Gérardmer, que Christian Volckman a passé près d’une heure avec nous, élargissant la perception de son thriller « The Room« , présenté en compétition. Compte rendu d’une rencontre passionnante.

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© Les Films du Poisson

L’origine du projet

Pour introduire "The Room", il faut d’abord interroger le réalisateur sur son idée de départ. L’idée de cette pièce en forme de corne d’abondance privative, et des règles qui vont avec. Christian Volckman indique que « c’est un peu un reflet de l’abondance actuelle. Il y a un trop plein d’idées, de bandes dessinées, de littérature, et il faut trouver le temps pour cela. Avec vient une pression en terme de consommation », et les phénomènes de « l’immédiat et de l’Internet, et donc de la réponse au désir et donc de l’impatience qui va avec ». L’idée de cette pièce dans la maison, « c’est un peu une contre réaction créative à tout cela ».

Lui-même avoue avoir été influencé par « des fables comme Les mille et une nuits, les contes tziganes, la lampe d’Aladin ». Enfant, il ne comprenait pas pourquoi il y avait seulement trois vœux possible. Cela le perturbait. « Mais si il n’y a pas de contrainte, il n’y a pas de film. C’est la contrainte qui fait réagir le personnage et c’est ce qui définit son caractère ». Par exemple au Bataclan (il rajoute que c’est une référence horrible), il fallait fuir, sauver, aider. « Ce sont des réactions liées au cerveau reptilien poussé à l’extrême, on ne peut pas résister ». « Beaucoup ont dus être suivis, pour analyser leurs propres comportements ».

Pour le film, il a commencé par mettre imaginer « une cage de Faraday dans un cercle magique : la maison ». Puis il a introduit la notion de temps, avec le rapport au vieillissement ou le côté figé des éléments. Si elle ne sortait pas de la maison avec le bébé, celui-ci ne pouvait pas grandir. « Les possibilités était infinies, et il y avait tout pour faire une comédie, peut-être plus sage, plus intelligente ».

Mais il souhaitait s’orienter vers « une exploration psychanalytique à la manière d’un complexe d’Oedipe », étudier le rapport à la mère. Il lui semblait intéressant de manipuler tous ces travers dont on ne connaît pas l’origine. Il a ensuite introduit l’idée de comment perpétuer, avec un créateur et une créature comme dans Frankenstein ou Adam et Eve. Il lui fallait travailler les grands mythes dans une histoire intime, avec pour font l’Occident à pas l’Orient.

Du bébé devenu l’intrus et de la mère toute puissante

Étrangement, le thème du bébé intrus était aussi présent sous un tout autre angle au Festival avec le film "Vivarium". Ici cependant, c’est seulement le père qui le rejette et non les deux parents. Mais finalement son film est moins une critique sur la société de consommation qu’un film de genre. Il lui fallait, dans l’intrigue, en venir rapidement au point crucial de l’enfant.

Mais Christian Volckman s’est surtout « concentré sur le thème de la mère toute puissante ». Même si autour de lui il y a beaucoup de ces figures, « ce sont des thèmes difficiles à aborder aujourd’hui ». Il note « un changement d’état quand on est mère. Une protection se déploie et le point de focalisation devient l’enfant ». Lui-même se sent fasciné par ces mécanismes. Il note aussi que « par exemple dans les religions, les femmes ont souvent une place centrale, un rapport au fils très complexe ». C’est souvent « un don de Dieu », alors que l’on « tue les filles ». C’est un thème universel.

Personnellement, il est, de plus, fils unique, tout en ayant vécu dans une communauté. Il ne s’est donc jamais senti comme tel. Mais il connaît « cet aspect fusionnel entre mère et fils, cet amour absolu ».

Un personnage principal peintre, comme lui

Le personnage masculin étant peintre, on peut légitimement se demander s’il se reconnaît en lui, ou s’il s’agit là juste d’un élément de crédibilité. Christian Volckman avoue qu’il se reconnaît en lui, « à la fois dans son désir de posséder des classiques, dans ses hésitations, et dans la traduction de ses angoisses et son obsession pour son art », chose qui se traduit aussi dans la fabrication de la toile et ses ramifications.

« Dans toute forme d’art il y a un désir de toucher à la grâce, quelque chose d’un peu magique. Il y a chez Matt un besoin de validation extérieure, comme d’un regard parental. Il perd son statut d’enfant adulte unique au profit de l’enfant, qui en fait n’est pas le sien ». Et en même temps, « l’enfant est un peu une coquille vide que l’on souhaite pouvoir façonner ».

S’il se reconnaît dans ces trois critères, il « admet qu’après "Renaissance", il s’est dit : arrêtons de faire semblant ». Le cinéma est marketé, d’où un retour à la peinture. Il souhaitait « être vraiment créateur, pouvoir passer six mois sur un même tableau, puis connaître le lâcher prise, seul face a la toile ». « En peintre, on s’ouvre à une forme de réalisme, on détruit, on métamorphose progressivement ». Il s’est retrouvé « seul avec le désir de partager l’expérience de la création », transformant se besoin en futur film. Mais il faut dans ce domaine « un peu de cadrage aussi », et « il y a un moment où il faut faire le film ». Il est donc nécessaire que quelqu’un soit là qui accompagne.

La tentation de l’animation ?

Son film précédent, "Renaissance", était un film d’animation en noir et blanc. Il est donc naturel, face au potentiel de "The Room" de l’imaginer aussi en animation, une envie qui aurait pu exister. Mais Christian Volckman tranche d’emblée en affirmant que non, qu’il voulait « justement sortir de l’animation, car niveau masochisme c’est le top ». « À la différence de cinéma il faut tout créer de A à Z. Cela est très intéressant car on a tout contrôle. Mais cela vous absorbe complètement, c’est une bataille continue, contre le budget limité et pour la perfection ».

Au final, avec "The Room", ils ont pu « tourner le storyboard avec tous les défauts ». Alors « qu’en France on ne peut que couper, il n’y a pas de rushs, on ne fabrique que de l’utile, aux USA il y a des projections tests et des investissements supplémentaires ». « Sur un film de 1h30 on a environ 100h de rushes. Il a donc fallu faire des choix de l’écriture ainsi qu’au montage ». Par exemple, pour la partie finale [ATTENTION Spoilers], où tout un monde est reproduit dans la pièce, entretenant la confusion, des choix ont été faits dès l’écriture. Christian indique ainsi que « la mise en abîme était prévu dans le scénario. Le personnage joue au mari de sa mère et il fallait explorer cette tromperie. Le jeu de doubles continue d’ailleurs » à l’inspirer comme dans la scène de "La Dame de Shanghaï" d’Orson Wells.

Des choix en matière de direction artistique

Au niveau direction artistique comment, le design de la porte et l’idée des fils entre mêlés se ramifiant dans toute la maison sont assez frappants. Christian Volckman indique qu’il « a fallu faire beaucoup de dessins en amont ». La cheffe décoratrice, Françoise Joset, « a fait beaucoup de propositions, avec en amont des palettes de couleurs et de formes ». Puis la maison trouvée a imposé un style riche flamand ». « Il s’agit un peu d’une sorte de copie de maison vénitienne, avec 6 m sous plafonds, dont l’agencement a donné des pistes esthétiques ». Le premier étage a d’ailleurs « été reconstruit au studio au Luxembourg », ce qui a entraîné « un étrange découpage au niveau du plan de travail ».

Mais cela s’est très bien passé, « les techniciens belges sont très efficaces ». « Les comédiens ont été très peu en attente, ce qui est l’avantage du huis clos, qui est proche d’un dispositif de théâtre : il y a des répétitions le matin, de la promenade dans les décors... ». Les comédiens étaient très précis, avec souvent une première prise qui était bonne ». Mais il restait des variations à obtenir, du dialogue à créer, « des indications à donner, pour aller ailleurs, tenter autre chose. C’était amusant à faire ».

Le choix d’un couple d’origines différentes, d’un côté ukrainienne, de l’autre belge

Pour le choix des interprètes, Christian Volckman explique que « ce sont un peu les hasards de la production ». Celle-ci a proposé un comédien belge, Kevin Janssens », puis « il y a eu de la tension dans l’air quand ils se sont rencontrés avec Olga ». Il y avait eu auparavant un an de casting aux USA qui n’avait rien donné ». Ils ont même failli tourner au Canada. Mais cela aurait entraîné des demandes de report de tournage et « ils ont préféré tourner rapidement en Belgique, avec une coproduction luxembourgeoise ».

Propos recueillis par Olivier Bachelard, assisté par Ray Lamaj

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