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INTERVIEW

SNOW THERAPY

Ruben Östlund et Johannes Bah Kuhnke

Réalisatrice - Acteur

Ruben Östlund, le réalisateur de « Play » et du nouveau « Snow Therapy » (également traduit « Force Majeure ») est en tournée promotionnelle avec son comédien Johannes Bah Kuhnke, qui joue le père qui fuit face à une avalanche laissant femme et enfants seuls sans protection. Un film sidérant qu…

© Bac Films / DistriB Films

Ruben Östlund, le réalisateur de "Play" et du nouveau "Snow Therapy" (également traduit "Force Majeure") est en tournée promotionnelle avec son comédien Johannes Bah Kuhnke, qui joue le père qui fuit face à une avalanche laissant femme et enfants seuls sans protection. Un film sidérant qui a marqué le Festival de Cannes 2014 et qui sort enfin sur nos écrans. On avait donc quelques questions à lui poser !

Journaliste : Pourquoi cette histoire en France et pas en Suède ?

Ruben Östlund : Nous avions besoin que l’avalanche soit spectaculaire et les montagnes en Suède ne sont pas aussi hautes qu’en France. Je les connais assez bien, parce qu’entre 20 et 25 ans, je venais skier notamment à Val d’Isère. La poudreuse est meilleure ici que dans mon pays ! Mais en fait l’avalanche a été filmée au Canada : c’est assez drôle, une avalanche canadienne dans les montagnes françaises filmée par un réalisateur suédois !

Journaliste : Pourquoi situer cette histoire en hiver en montagne et pas ailleurs dans une autre saison ?

Ruben Östlund : Il y a quelque chose d’intéressant dans le choix de la station de ski parce que c’est un lieu où l’homme essaie de contrôler les forces de la nature. C’est donc un lieu métaphorique des pulsions du personnage du père qui cherche aussi à contrôler ses comportements primaires. En outre, j’étais intéressé de secouer la vie de cette classe de gens aisés, avec leurs tenues colorées, leurs lunettes dernier cri.

Journaliste : Avez-vous conservé le même procédé que dans votre précédent film "Play", qui consistait à filmer en grand angle fixe et à organiser votre mise en scène en post-production grâce à la haute définition de la caméra ?

Ruben Östlund : Certaines prises de vue oui, mais en règle générale non, j’ai filmé de façon plus traditionnelle, avec des objectifs anamorphiques, en utilisant la caméra ARRI Alexa [L’utilisation des objectifs anamorphiques permet d’obtenir un ressenti plus cinématographique. Avec ces derniers, il est possible de filmer en gros plan tout en ayant toujours un peu d’arrière-plan avec lequel travailler, ndlr].

Journaliste : On vous connaît davantage par la série "Real humans", comment décririez-vous votre carrière ?

Johannes Bah Kuhnke : J’ai fait plus de scène. J’étais en train de tourner la saison 2 de "Real humans" quand j’ai commencé le tournage de "Snow therapy" et j’avoue que ça me faisait du bien de retourner pour la série où il suffisait que je sois un robot et non pas un humain avec les sous-entendu et les non-dits.

Journaliste : Justement, comment on se prépare pour la scène où on doit pleurer très intensément quand à côté on joue un simple robot ?

Johannes Bah Kuhnke : Pour le casting, Ruben [Östlund, ndlr] m’a envoyé une vidéo You Tube de la pire scène d’un homme qui pleure et je me suis inspiré de cela pour ne surtout pas le copier, mais une fois le casting venu, je n’ai pas été auditionné sur cette scène !

Journaliste : Est-ce que le principe de "Snow therapy" est inspiré d’une histoire vraie ?

Ruben Östlund : C’est inspiré d’un couple d’amis en Colombie qui ont été victimes d’une attaque dans un magasin. Elle a plongé dans les cabines d’essayage, lui a couru se cacher derrière le comptoir donc elle était plus exposée que lui. Heureusement ils n’ont rien eu. Sur le chemin du retour à leur hôtel, ils ont en parlé. Elle lui a dit « Tu t’es enfui loin de moi ». Lui lui demandait « Qu’est-ce que tu attendais de moi ? Que je sois un super héros ? ». Et depuis, à chaque fois qu’elle buvait trop, elle ramenait sans cesse cette histoire sur la table comme si un manque de confiance s’était installé entre eux.

Journaliste : Pourquoi concentré votre histoire sur cinq jours plutôt qu’une longue période ?

Ruben Östlund : C’était plus intéressant d’avoir ce genre de conflit sur une semaine dans un hôtel avec un petite chambre où les enfants sont témoins des bagarres, où d’autres clients peuvent assister aux discussions quand ils sortent de leur appartement.

Journaliste : Est-ce que vous le jugez aussi durement que sa femme ?

Ruben Östlund : J’ai été inspiré par les études qui sont faites sur les détournements d’avion. La taux des divorces est très forte chez les couples qui en sont victimes. Je suis plus intéressé par le dilemme qui suit, comment les personnages vont réagir, en bien ou en mal, je suis moins dans le jugement de mes personnages.

Johannes Bah Kuhnke : Je ne pense pas que la réaction ait quelque chose à voir avec le genre, que ça ait un lien avec la femme ou l’homme mais dans le film, l’homme s’en tire plus difficilement que la femme. Si c’est elle qui aurait fui, elle aurait été jugée moins durement. Je pense que tout ça ait dû à l’esthétique et la morale des histoires anglo-saxonnes où l’homme se doit de protéger la famille…

Journaliste : Il y a donc dans votre film une destruction du mythe du père protecteur…

Ruben Östlund : Même dans les catastrophes navales, comme pour le Titanic, on croit que c’est d’abord « Les femmes et les enfants d’abord », sauf que si on regarde les statistiques, le taux de survie est plus important chez les hommes que chez les femmes. Ce qui semble signifier que dans ce genre de situation dramatique, il y a de plus fortes chances que l’homme agisse de façon égoïste que la femme !

Journaliste : Est-ce que le fond de l’histoire a été imaginé et conçu en même temps que la forme, composée de longs plans séquences ?

Ruben Östlund : Ma première volonté a été de vouloir tourner dans une station de ski. Après est venue l’histoire de l’avalanche avec une famille durant une semaine de vacances au ski. Et ensuite, tout l’absurde de cet univers où l’homme essaie notamment de contrôler la nature.

Journaliste : Techniquement, comment filmez-vous la famille devant un miroir sans qu’à aucun moment on ne voit la caméra dans le reflet ?

Ruben Östlund : Il y a juste une brique dans le mur d’où sort l’objectif de la caméra. Et cet élément est effacé en post production !

Journaliste : Vous avez tourné sur l’hiver 2013, avez-vous travaillé depuis sur d’autres projets ?

Ruben Östlund : Oui je travaille sur un projet de long métrage, "Le Cube" qui parle de la perte de confiance de ce qui nous rassemble dans la société actuelle. Par exemple ils ont commencé en Suède à instaurer, ce qui existe ailleurs comme au Mexique, les quartiers protégés ce qui est une façon de fermer les yeux sur ce qui se passe à l’extérieur. Et "Le Cube" est l’histoire d’une ville où ils inventent un endroit symbolique pour se rappeler quelle est notre responsabilité commune. Une place philosophique où on s’adresse aux gens tout en retirant notre confiance à l’État… !

Mathieu Payan Envoyer un message au rédacteur

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