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INTERVIEW

MON POTE

Arielle Dombasle

A l’occasion de la sortie de son sixième film « Mon pote », Marc Esposito nous fait l’honneur de sa présence à Lyon, accompagné du très sympathique Edouard Baer. Attention, cette interview dévoile des passages qui pourraient nuire au plaisir de la découverte. Il est donc conseillé de ne l…

© Mars Distribution

A l'occasion de la sortie de son sixième film "Mon pote", Marc Esposito nous fait l’honneur de sa présence à Lyon, accompagné du très sympathique Edouard Baer. Attention, cette interview dévoile des passages qui pourraient nuire au plaisir de la découverte. Il est donc conseillé de ne la lire qu'une fois avoir vu le film.

Journaliste :
Quelle est, pour vous, la différence entre histoire vécue et histoire vraie ?

Marc Esposito :
Toute histoire vécue est vraie, mais toute vraie n'est pas forcément vécue. Je sais que ce n'est pas une différence qui existe dans le dictionnaire, mais en indiquant qu’il s’agit d’une histoire vécue, cela sous-entend que c'est l'expérience de l'auteur qui est racontée.

Journaliste :
Si elle est vécue, pourquoi avoir choisi d'insérer cette fiction dans la deuxième moitié ? C'est parce que vous avez toujours rêvé d'être un gangster ?

Marc Esposito :
Ce qui était important, c'était que ce qui est dur à croire soit vrai. Car ce qui est dur à croire, ce n'est pas que Victor fasse un casse, mais plutôt qu'un détenu devienne maquettiste. C'est cette partie qui devait être incontestable.

Journaliste :
Pour quelle raison le magazine de cinéma est-il devenu un magazine d'autos ?

Marc Esposito :
Je n'avais pas envie qu'on m'identifie trop. Au début, lorsque j'ai écrit le scénario, je ne voulais même pas le réaliser. De plus, je pense qu'un journal de cinéma au cinéma, c'est compliqué à faire. Et puis, je voulais surtout qu'ils aient une passion commune qui amène le casse final. Je voulais que le tout ait un rapport avec la suite des événements. Avec le cinéma, ça n'aurait pas fonctionné ainsi.

Journaliste :
Et apparemment, vous avez eu du mal à trouver celui qui interpréterait le personnage de Victor…

Marc Esposito :
Ca m'a prit plus de temps que celui de Bruno, oui. Il a fallut qu'Edouard arrive dans ma tête. Une fois fait, cela m'a paru une idée formidable, et lorsque l'on s'est rencontré, cela s'est confirmé être une idée formidable. Cela m'a paru évident qu'il était très proche de ce que je cherchais. C'est-à-dire qu'il ait de l'humour, de la profondeur, de la solidité. De plus, il n'avait jamais vraiment joué ce dernier trait, donc c'était assez excitant.

Journaliste :
Vous trouvé qu'il n'a jamais vraiment joué ce type de rôle ?

Marc Esposito :
Je pense qu'Edouard n'avait jamais joué un rôle qui aurait pu être joué par Gabin, je dirais… pour réfléchir en archétypes.

Journaliste :
Edouard Baer, vous êtes d'accord ?

Edouard Baer :
Ah oui, oui, oui! (rire) sur les deux parties. C'est vrai, je jouais des personnages soit de loosers, ou plus fragilesn ou plus fantaisistes. C’est pour cela que j’étais étonné, car par rapport à l'image que j'avais l'impression d'avoir dans le cinéma, je ne pensais pas que l'on me proposerait un jour ces roles-là. D'ailleurs, je lui avais demandé pourquoi il ne l'avait pas proposé à Vincent Lindon, car c’était tout à fait son registre. Moi, j'aime beaucoup jouer ça, mais je ne pensais pas qu'on me le proposerait. En tout cas, pas maintenant, car je n'avais pas l'impression d'incarner ça à l'image. Aujourd’hui j'en suis très satisfait.

Marc Esposito :
C'est vrai qu'Edouard était dans la tranche "jeune". Victor pouvait être joué par un acteur de quarante ans minimum et on aurait pu monter jusqu'à cinquante, cinquante-cinq. En revanche, il ne pouvait pas avoir trente ans. Il a l'air plus jeune, il a une image jeune alors que dans "Mon Pote", il a une femme et des enfants. C'est la première fois où j'ai l'impression qu'Edouard joue son âge.

Journaliste :
En fait, cette histoire s'est déroulée à l'époque de Première ou celle de Studio ?

Marc Esposito :
C'est un peu compliqué puisque dans la réalité, l'histoire a eu lieu en deux temps, que j'ai regroupés en un seul dans le film. L'histoire est arrivée juste avant que je quitte Première. Quand on nous sommes partis de Première, les gens qui m'ont succédé ne l'ont pas gardé [il parle du jeune issu du pénitencier et qu’il a recruté, ndlr], et donc il est retourné en prison suite à un autre méfait. Il passé de nouveau au tribunal. J'y suis allé, j'ai expliqué que le sort ne lui avait pas été favorable et que je trouvais qu'il avait l'air bien parti. Lorsqu'il est sorti de prison, je l'ai engagé en CDI. Il est ensuite resté longtemps après mon départ de Studio. Il en est d'ailleurs devenu le directeur artistique.

Journaliste :
Est-ce qu'il a vu le film ? Et qu'est ce qu'il en a pensé ?

Marc Esposito :
Il a beaucoup aimé.

Edouard Baer :
On l'a vu. Il a participé au tournage.

Marc Esposito :
Oui, oui, il était très impliqué. Il était très content de collaborer au scénario. Sur le scénario, il y avait un carton le concernant, à la fin. Quand je lui ai montré le film la première fois, il n'y était plus et j'ai vu qu'il préférait qu'il y soit. Donc, je l'ai rajouté.

Journaliste :
Est-ce que c'est intimidant de jouer le rôle de la personne qui vous dirige ? J’imagine que ça doit-être un peu troublant sur le tournage…

Edouard Baer :
Non au contraire, c'est plus facile. De toutes façons dans le cinéma, et c'est d'autant plus vrai dans les films d'auteur, on joue surtout le metteur en scène quand même. Là, il se trouve qu'en plus c'est son personage. Mais, d'une manière générale, quand je suis perdu, je joue le metteur en scène. Dans les films de Laurent Tirard, je sais que c'est lui le héro masculin. C'est très rare qu'un metteur en scène n'écrive pas le premier rôle masculin avec des parties de lui-même, parties sublimées ou exagérées. Non, ce qui était plus compliqué pour moi, c'était le rapport d'autorité à Benoit, car quand on le voit dans les films, il en impose. Je trouve qu'il a beaucoup d'autorité naturelle, de présence, de force et c'est assez intimidant. Donc il fallait qu'à côté de Benoit, j'ai l'air du frère aîné.

Marc Esposito :
D'ailleurs, quand tu as vu le film la première fois, tu m'as dit que tu étais content de voir que ça marchait. Et puis ça faisait partie des choses excitantes pour lui, en tant que comédien.

Journaliste :
Alors justement, si Edouard Baer a simplement joué votre caractère dans son rôle, quelles directions avez-vous données à Benoit Magimel ?

Marc Esposito :
Benoit s'est beaucoup appuyé sur le scénario et a tenu à ne pas trop rencontrer Jean-Luc avant le tournage. Il n'était pas dans un schéma de ressemblance à un modèle. Moi, je ne lui ai pas dit grand-chose. Je trouvais que tel qu'il était, Benoit m'allait très bien pour le rôle. Il dégageait la même timidité, le même côté beau gosse. Il rentrait dans le rôle sans effort. Donc on a beaucoup parlé de Jean-Luc, de son passé, de ce qu'il avait fait. Puis, contrairement à moi, Magimel est assez fasciné par le côté bandit. Comme Jean-Luc d'ailleurs, tous deux sont assez sensibles à ce type de mythologie.

Edouard Baer :
C'est très étonnant quand le croise, Jean-Luc. J'ai beaucoup de mal à imaginer ça. Il a une douceur, un calme à toute épreuve.

Journaliste :
Ils se ressemblent physiquement ?

Marc Esposito :
Il y en a un qui est brun et l'autre blond, mais ce sont deux beaux gosses, puisque Jean-Luc se faisait appeler "gueule d'ange" quand il était en prison. Ils ont tous deux des noms très français… Ils ont beaucoup de points communs dans le côté introverti, tout en étant capables d'être très abondants dans la confidence, une fois qu'on les connaît bien.

Journaliste :
Vous avez pris Magimel pour cette dualité ?

Marc Esposito :
De toutes façons, quand vous réfléchissez, que vous cherchez un acteur de trente, tente-cinq ans pour jouer un mec qui sort de prison et qui habite dans une cité, qui est un bon acteur et que vous aimez, Magimel s'impose tout de suite. Et à partir du moment où vous lui faites lire et qu'il vous appelle quarante huit heures après, c'est sûr que c'est lui. Quand on s'est rencontré, c'était évident qu'il était pile poil. Il a ce côté prolo. Ce côté “grosses mains” qui peut jouer un garagiste et être crédible. Je trouve qu'il y a peu de jeunes acteurs en France capables de jouer ce type de rôle sans que ça jure avec leurs carrures.

Journaliste :
Et il a vraiment conduit la F1 ?

Marc Esposito :
Oui oui, Il était comme un petit fou. Il a même fait des tours en plus. Et Edouard a vraiment conduit la Modus pendant toute la poursuite. Il n'y a pas de plans truqués. A chaque fois qu'il a le volant, il conduit dans des rues très étroites avec une voiture qui prend plus de place qu'elle ne devrait. Le seul artifice, c'est qu'évidement les rues sont sécurisées. C'était tout de même un gros challenge, parce que les plans sont longs et il fallait systématiquement revenir au point de départ pour faire de nouveau des longs parcours sans s'arrêter. C'était tout de même quelque chose d'assez fastidieux.

Journaliste :
Et vous Edouard, vous n'en avez pas profité pour conduire la Formule 1 ?

Edouard Baer :
Ca ne m'a pas manqué, non. En revanche, ça m'amuse de conduire dans un film. Mais la Formule 1, non, je ne sais pas, ça ne m'attire pas.

Journaliste :
"Mon pote", c'est un titre qui s'est imposé tout de suite ?

Marc Esposito :
Il s'est longtemps appelé "Dérapage contrôlé", tout de même trois ans avant la mise en prod'. Ensuite "Mon pote" m'est venu en tête, et ça ne m'a pas lâché.

Journaliste :
C'est un scénario qui date alors ?

Marc Esposito :
Ah oui, oui. La première version a été écrite en 1998 et, à l'époque, je me voulais scénariste et pas réalisateur. Puis au final, je suis devenu réalisateur, alors je me suis dit qu'il fallait que je le réalise.

Journaliste :
Vous pensiez à quel réalisateur en l'écrivant, à l'époque ?

Marc Esposito :
Cornaud… Leconte… Ces deux réalisateurs principalement.

Alexandre Romanazzi Envoyer un message au rédacteur

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