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INTERVIEW

AUTRE DUMAS (L')

Safy Nebbou

Journaliste :
Quelle a été votre démarche pour préparer votre film ? Était-elle axée sur Dumas ou sur Maquet, son nègre ?
Safy Nebbou :
Je voulais écrire l’histoire de quelqu’un que tout le monde connaît, au travers de quelqu’un que personne ne connaît. Faire un biop…

© UGC Distribution

Journaliste :
Quelle a été votre démarche pour préparer votre film ? Était-elle axée sur Dumas ou sur Maquet, son nègre ?
Safy Nebbou :
Je voulais écrire l’histoire de quelqu’un que tout le monde connaît, au travers de quelqu’un que personne ne connaît. Faire un biopic sur Alexandre Dumas ne m’aurait pas vraiment intéressé. Ce qui m’a plu, c’est de parler de l’homme de l’ombre, d’imposture littéraire et amoureuse à travers un “genre” de film qui était nouveau pour moi. Faire un film en costume autour d’Alexandre Dumas était assez excitant.

Journaliste :
Au départ, c’était une pièce de théâtre. Comment avez vous abordé l’adaptation ?
Safy Nebbou :
De la pièce de théâtre, nous avons surtout gardé l’idée du face à face entre l’auteur et son nègre. Ensuite, nous avons décidé de sortir de cette confrontation en ouvrant le film sur une dimension plus romanesque, en y amenant des personnages féminins et en nous amusant avec l’idée de faire un film à la Dumas. En utilisant le quiproquos, l’Histoire avec un grand H, la petite histoire, l’imposture, l’amour. C’est presque un film dans le film !

Journaliste :
C’est un film sur la difficulté pour Maquet d’exister par rapport à Dumas, de même que pour votre personnage, Dominique Blanc, qui est la maîtresse de l’auteur. Comment interprétez-vous cette ambiguïté ?
Dominique Blanc :
Ce que je trouvais intéressant chez Céleste Scriwaneck, c’est qu’elle est avant tout une femme amoureuse. On aurait pu s’inspirer des femmes de cette époque, mais en France, elles sont un peu ennuyeuses. Moi, mon inspiration, c’était plutôt les héroïnes de la littérature anglo-saxonne, du côté d’Henry James ou des suffragettes. Il y a chez cette femme une détermination et une force de caractère assez formidables. Elle est certes secrétaire, mais elle est aussi l’âme de la maison. Et puis elle tolère les autres maîtresses car elle sait très bien que l’homme a besoin de chair fraîche, mais je pense qu’elle n’est pas dupe. C’est aussi la seule qui ose dire à Dumas ce que les autres n’osent pas dire. C’est une femme d’égal à égal avec lui, à la fois autonome et indépendante.

Journaliste :
Il est vrai qu’on a l’impression que ce sont les femmes qui ont les pieds sur terre et que les hommes sont assez fantasques.
Safy Nebbou :
Pour le romanesque et pour éviter de s’enfermer dans ce duel d’hommes, il fallait absolument que les femmes soient présentes. Mais pas comme des femmes qui “servent la soupe”. Au contraire, je voulais qu’elles soient assez électron libre, que ce soient des femmes fortes, à tempérament. Elles ont des idées, elles sont engagées politiquement. Pour le personnage de Céleste, qui a vraiment existé et fut l'une de ses très nombreuses maîtresses, nous avons décidé d’en faire toutes les femmes de Dumas. C’est son amoureuse, sa mère, sa protectrice, sa raison et aussi son grain de folie.

Journaliste :
Vous êtes-vous basé sur des biographies de Dumas ?
Safy Nebbou :
Oui plusieurs, une en particulier, celle d’Henri Troyat. On s’est dit qu’il fallait utiliser des éléments de vérité, qu’on allait mêler nous même à la fiction. Auguste Maquet a existé, ils ont écrit 27 romans ensemble. Caroline et Céleste ont existé. Charlotte, on l’a un peu inventée. Par contre ce qu’on leur fait vivre n’a pas vraiment eu lieu. Maquet ne s’est jamais pris pour Alexandre Dumas. C’est l’idée qu’on a eu avec Gilles Torrent, le scénariste, pour parler du nègre. Les hommes de l’ombre m’ont toujours intéressé.

Journaliste :
Néanmoins, vous ne remettez pas en cause, dans le film, que c’est Dumas le génie, alors que Maquet est plutôt laborieux. C’est une idée que vous teniez à respecter dès le départ ?
Safy Nebbou :
Je pense que c’est surtout une collaboration. J’ai fait beaucoup de recherches et on sait notamment que c’est Maquet qui a proposé l’histoire des “trois mousquetaires”. Maintenant, la seule chose que je peux dire, car je ne sais pas ce qui s’est passé réellement entre eux, c’est que j’ai lu du Maquet, et c’est certain, ce n’est pas du Dumas ! Pourtant, leur relation a donné naissance aux romans les plus connus de Dumas. La cruauté du film est là : le génie ne s’apprend pas !

Journaliste :
Dominique Blanc, comment avez vous vécu le tournage ?
Dominique Blanc :
L’enjeu était important car nous avons eu très peu de temps. Huit semaines pour un film en costume, c’est peu. Mais si c’est parfaitement préparé, tout est possible. L'important est que tout le monde ait eu très envie de faire ce film. Chacun avait, par rapport au rôle qui lui était proposé, une gourmandise et une envie. L’enthousiasme c’est primordial, car vous pouvez ainsi tout demander à une équipe ! Safy Nebbou est précis et lorsque j’avais vu “L’empreinte de l’ange”, j’avais apprécié la façon avec laquelle il avait dirigé Catherine Frot et Sandrine Bonnaire. Il est extrêmement pointu dans sa direction d’acteur. Au début, je ne pensais pas être la bonne personne. Le rôle est léger, sensuel et rieur. Moi j’étais ravie, mais je ne pensais pas être la bonne personne pour le casting. C’était très plaisant car il y avait un souci de romanesque et d’héroïsme pour chaque femme.
Ensuite, il y avait la curiosité immense de jouer avec Gérard et Benoît. Moi, je travaille beaucoup, je n’aime pas sortir, je vis comme un ours dans ma cabane. Je n’avais donc croisé ni l’un, ni l’autre, mais je les avais vus jouer au combien ! Quand je les ai retrouvés sur le tournage, ils étaient déjà là depuis quelques jours. J’ai vu que, de part et d’autre, il y avait beaucoup d’estime et de complicité. Ils étaient un peu tombés en amour l’un de l’autre. Benoît m’a accueillie comme une princesse, Gérard m’a embrassée comme si j’étais sa sœur, et on est allé travailler comme si on se connaissait depuis six mois. Ils était sérieux et rigoureux avec le texte, ce qui pour moi est extrêmement important, car je suis un peu une “vieille institutrice emmerdante”. ils ont été parfaits !

Gaëlle Bouché Envoyer un message au rédacteur

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