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INTERVIEW

TOUT CE QUI BRILLE

Journaliste :
Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Géraldine Nakache :
En fait on s’est rencontré sur « Comme t’y es belle » de Liza Azuelos. Hervé avait co-écrit le film et il était conseiller technique aussi, sur le plateau. Moi c’était mon premier film en tant…

© Pathé Distribution

Journaliste :
Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Géraldine Nakache :
En fait on s’est rencontré sur « Comme t’y es belle » de Liza Azuelos. Hervé avait co-écrit le film et il était conseiller technique aussi, sur le plateau. Moi c’était mon premier film en tant que comédienne donc il m’a aidé à avoir un peu moins peur et après on est devenu amis.

Journaliste :
Est-ce que vous aviez ce projet en tête depuis longtemps ?

GN :
En fait, de la toute première phrase couchée sur le papier à la sortie du film, ça fera 15 mois.

Journaliste :
Comment vous êtes-vous réparti les tâches pour la réalisation ?

GN :
J’étais dans beaucoup de plans, donc il fallait que je libère mon esprit et que je fasse la comédienne pendant les 8 semaines de tournage. Donc Hervé m’a épargné de certains problèmes, notamment les problèmes techniques. Ca s’est fait assez naturellement parce ce qu’on connaissait bien notre sujet.

Journaliste :
Dans votre projet de départ, vous aviez l’intention de raconter une histoire d’amitié ou de faire une sorte de fable sociale ?

GN :
Non, il n’y avait pas d’intention… Quand on nous parle aujourd’hui de comédie sociale ou sociétale, pourquoi pas ? On n’avait pas un message à proprement parler, on raconte la cité qu’on connaît, l’endroit qu’on connaît, là où à vécu, les gens qui nous parlent, ceux qui ont traversé nos vies, donc c’était d’abord une histoire d’amitié, évidemment. Puteaux, Paris, c’est un prisme, en fait. On a utilisé ça mais cette histoire d’amitié aurait pu exister partout ailleurs. Après, que derrière tout ça, il y ait un message dit social, on l’entend… Pourquoi pas ? Cette banlieue, au cinéma et même dans les médias, on ne l’a voit pas beaucoup puisqu’elle intéresse peu le journal de 20 heures. Mais c’est ce qu’on connaissait donc c’était tout naturel de parler de cette banlieue-là.

Hervé Mimran :
Je pense que c’est une volonté qui est inconsciente, en fait. Quand on écrit un scénario, on ne se dit pas qu’on va traiter d’un problème du monde. Enfin, je pense que personne ne suit ça, ou alors quand on se le dit, ça ne doit pas être terrible parce qu’on n’a pas des vocations de résoudre les problèmes. On a voulu raconter une histoire, et après c’est un prisme et tout ce que ça véhicule avec. Mais l’intention de départ n’est jamais politique. C’est totalement inconscient. C’est sûrement des envies qu’on a : des envies de parler de la banlieue différemment, de parler de filles dans la banlieue différemment, de toutes ces choses-là. Mais la volonté de base n’est jamais, pour nous en tout cas, de dénoncer quoique ce soit.

Journaliste :
Et pour la question des médias qui créent des envies, ou de Paris qui attire ?

GN :
Ca, c’est la vérité de nos personnages et c’est notre vérité à nous en tant que metteurs en scène. On l’a traduit comme on l’a vécu et comme on l’a senti. C’est effectivement un point de vue, c’est le nôtre, mais on n’a pas cherché à le créer. Il est inhérent à ce que l’on pense. C’était naturel d’en parler de la sorte, sans se dire « Il faut traiter de cette banlieue-là parce qu’on ne la voit pas au JT ». Pas du tout, c’est juste qu’on y a vécu. Pareil pour l’histoire de filles, on ne se disait pas « il y a peu de films sur les filles au cinéma ». On avait envie de raconter cette histoire d’amitié avant tout.

Journaliste :
Le film parle quand même de la honte d’appartenir à un groupe social…

GN :
Le sujet du film, c’est d’abord ces deux filles qui sont à cette période-là de la post-adolescence et c’est une histoire d’amitié. C’est d’abord ça, le sujet du film. Et ensuite viennent se greffer, effectivement, ces dix minutes. Ce sont deux filles qui se sentent à dix minutes de leur vie, de là où ça se passe. Et à cet âge-là, effectivement, on n’a pas tellement envie de ressembler à ses parents et on a envie de plus et de mieux. Et ces filles-là, justement, pour l’une, elle a honte de ses parents, pour l’autre, elle a honte de ses chaussures, c’est les dix minutes de trop… Je pense qu’Ely et Lila à 40 ans, c’est plus les mêmes. C’est un vrai moment de la vie qu’on vit comme ça entre 18 et 20 ans, où tout d’un coup, on veut juste s’émanciper.

Journaliste :
Pourquoi avoir filmé à Puteaux ?

GN :
Puteaux parce que j’y ai grandi. C’est marrant parce qu’au départ, quand on commençait à chercher des financements, on nous a dit « super mais ça serait bien que ça se passe dans le 93 ». Le 93, pourquoi pas mais on ne connaît pas ! C’était impossible pour nous de déplacer cette histoire dans le 93 parce qu’on ne connaît pas. Tout existe, les voitures qui brûlent, les tournants… On ne dit pas le contraire. Mais la banlieue dans laquelle on a vécu, c’est la banlieue de peut-être 70% des Français, où il ne s’y passe rien mais où effectivement il n’y a pas la guerre.

HM :
C’est aussi plus intéressant d’être justement à dix minutes parce qu’on y est presque mais on n’y est pas. Quand on habite Puteaux, on n’habite pas Paris, même si on est à la frontière, et il y a une vraie différence. Puteaux, qui en plus n’est pas une banlieue très connue, forcément parce qu’il n’y a pas grand-chose, n’est pas une identité géographique. On n’a pas un drapeau à sa fenêtre ! C’est une espèce de no man’s land, il y a La Défense à cinq minutes, Paris à dix minutes, il y a Neuilly et toutes ces banlieues riches à côté. Si quelqu’un de Puteaux va à l’étranger, il ne va pas dire qu’il vient de Puteaux, il dira « j’habite Paris » alors qu’en vrai il n’habite pas Paris parce qu’il y a une vraie différence.

GN :
Même s tu viens du 9-3, tu dis « je viens du 9-3 ». Puteaux, y a rien, c’est même pas assez chaud pour qu’on en parle. La frustration des personnages, elle naît aussi de là, parce qu’il ne se passe rien, qu’on est le nez collé à la vitrine. On n’a pas honte d’habiter à Puteaux. La honte, elle ne se situe pas là : « Tout ce qui brille », c’est un peu sur les gens qui en sont et sur les gens qui n’en sont pas. Quand le RER s’arrête à 1h30, quand tu rentres de boîte, même si tu es dans le 8ème, c’est une station de RER mais à pied ça représente 55 minutes, en talons c’est compliqué ! C’est pas la honte, c’est chiant ! Tu ne peux pas rentrer à pied chez toi, ça ne représente pas ce qu’il y a dans les magazines… C’est moyen, quoi ! C’est tiède ! Alors forcément ce n’est pas Cosette, il n’y a rien de dramatique mais pour ces deux filles-là, surtout à cet âge-là, soit c’est chaud, soit c’est glam’ mais il faut au moins qu’il y ait quelque chose !

Journaliste :
Comment avez-vous abordé votre rôle ? Etait-ce du vécu ?

GN :
C’est sûr qu’Hervé et moi, en écrivant, on a mis des choses de nous, mais on a vraiment joué. Le personnage de Lila est très éloigné de Leïla (Bekhti). Quant à mon personnage, évidemment j’ai mis des choses que j’avais traversées dans ma vie personnelle mais j’ai 30 ans aujourd’hui et je suis très loin de tout ça. Donc on a écrit un film avec, j’espère, deux personnages qui partent d’un point A pour aller à un point B, avec des courbes. C’était ça qui était intéressant. Comme on est tous les trois très proches dans la vie, les gens nous demandent souvent s’il y a eu des fous rires sur le tournage. En fait non. Ce n’était pas non plus militaire, on en a dans la vie mais sur le tournage on travaillait : c’était une humeur de travail et donc c’était des rôles.

Journaliste :
Quelles étaient vos influences cinématographiques et vos intentions et envies, d’un point de vue plus formel et visuel ?

HM :
Les premières intentions, c’était de montrer une banlieue qui n’est pas si moche que ça, en gardant cette architecture, cet urbanisme. L’autre intention, c’était de montrer un Paris qui n’est pas une ville-musée mais un Paris qui bouge, un Paris urbain, un Paris où les gens vivent, ce qui est assez rare finalement parce qu’en général, on montre souvent Paris d’une manière très carte postale. Après, nos références, c’étaient celles qu’on a données aux gens avec qui on a travaillé : les chefs opérateurs, les décorateurs, etc. Par exemple, on pensait à « Lost in Translation » pour le rôle de la ville, pour le traitement de la solitude dans la ville, etc. On a cité « Manhattan », de Woody Allen, aussi pour cette ville qui est un personnage à part entière.

GN :
Il y avait « La Haine », pour cette fraternité un peu à la vie à la mort…

HM :
Et pour le langage, la façon de parler…

GN :
Il y avait « Little Miss Sunshine » aussi, pour les relations, pour tous ces personnages qu’on suit. On avait envie d’écrire pour un duo mais on avait besoin de toute cette galerie de personnages, et on avait envie qu’ils ne soient pas que faire-valoir, qu’ils suscitent des choses dans l’intrigue, qu’ils amènent de la comédie…

HM :
Aussi pour le côté road-movie, même si c’est dans la ville : elles passent leur temps à aller d’un endroit à un autre, à prendre des métros, à marcher…

Journaliste :
Avez-vous envisagé un moment de vous orienter vers une comédie musicale ? Notamment avec la scène où les deux filles chantent et dansent dans le métro…

GN :
Non, pas du tout. On adorerait mais c’est un autre taf et un autre film ! Justement sur cette scène-là, on avait envie de ne pas en faire un moment onirique et de faire plutôt un moment intime. On voit ces deux filles partager un vrai moment intime où elles se disent qu’elles s’aiment, ce qu’elles font très peu, finalement, dans le film. Du coup, l’idée n’était pas du tout de fabriquer une bulle. C’est un moment enchanté dans leur vie mais on n’avait pas envie de sortir et de partir vers un autre univers.

HM :
C’était le moyen aussi de dire sans le dire (ce qui est toujours plus élégant quand on écrit un scénario) : « regardez, c’est des amies qui se connaissent depuis qu’elles sont enfants et elles ont une complicité sur une chanson désuète ». C’était une manière d’éviter de dire « ah tu te souviens quand on était à la maternelle et qu’on a rencontré Jérémy » ! C’est toujours un peu relou de dire ça donc on a trouvé ce moyen-là. On adore tous les deux les comédies musicales, mais ce n’était pas le but. D’ailleurs, pour le filmage de cette séquence, on s’est creusé la tête parce qu’on ne voulait pas du tout que ça fasse une séquence ni onirique ni comédie musicale. Ca aurait été un peu déplacé. Donc on a pris un décor qui n’est pas du tout glam’, on l’a traité en contre-jour, d’une manière assez facile et assez réaliste : en fait on a deux axes, deux valeurs, deux caméras et puis c’est tout. Dans les comédies musicales, dans les moments chantés, c’est toujours des mouvements de dingue et 150 figurants qui arrivent !

Journaliste :
Le film se base sur le langage mais aussi sur les silences, qui permettent au film d’être à mi-chemin entre comédie et drame, également dans la manière de filmer…

GN :
C’est comme la vie, en fait. Dans la vie, Hervé et moi, nous sommes des personnes un peu pudiques donc c’était naturel d’écrire des personnages pudiques. On avait envie d’en faire des personnages très bavards mais finalement l’essentiel ne se met pas en mots. C’était particulier parce qu’on avait des séquences de trois pages dialoguées, et la séquence avec le père qui vient les chercher au Shopi faisait deux lignes. Mais depuis le début, on savait bien que ça résonnait, que ça faisait écho : ces moments très bavards nous servaient justement à mettre en place les moments où on ne se dit pas les choses, où on les vit, on les ressent. On voulait montrer la pudeur qui prend peut-être encore plus de place lorsqu’on a des personnages si bavards et qui parlent pour rien dire sans arrêt !

HM :
Et passer de la comédie au drame en un moment, c’était juste aussi une question de point de vue : les situations de comédie, la plupart du temps, sont des situations dramatiques, ça dépend juste de la manière dont on le traite. Si une personne rentre dans cette pièce, s’assoie sur une chaise et se casse la gueule, c’est drôle mais c’est dramatique pour la personne qui le vit. On a toujours essayé de traiter ça d’une manière un peu à l’anglaise, comme le font les comédies sociales de Ken Loach ou des choses comme ça, où on est toujours un peu pudique et un peu poli, on étend pas notre misère comme ça, nos drames… Ce n’est pas notre manière de nous exprimer, en tout cas.

Journaliste :
Le rythme et le montage y sont pour beaucoup aussi, non ?

GN :
Evidemment c’est aussi un exercice au montage. C’est fragile tout ça, surtout passer du rire aux larmes. C’est un équilibre compliqué, un film. A l’écriture ça l’est, au montage c’est encore une autre histoire…

HM :
Les moments de comédie du film ne sont jamais liés à des vannes ou à des bons mots… Ce n’est pas notre humour, en tout cas pour ce film. Donc tout est forcément une question de rythme, donc de montage aussi. Dans des situations de comédie, ce n’est que dans la rythmique que ça marche, c’est presque musical. Si on laisse un blanc de x secondes plutôt que de x secondes, le comique ne marche pas.

Journaliste :
Leïla, quand vous aviez l’âge des personnages, vous rêviez de tout ce qui brille ?

Leïla Bekhti (LB) :
Je rêvais de tout ce que je n’avais pas. Encore aujourd’hui, je me sens à dix minutes tout le temps de plein de choses, et c’est ce qui fait que demain je vais aspirer à mieux. Après, c’est drôle mais pour le cinéma, ça me traversait l’esprit mais je me disais que c’était tellement impossible… Je ne me forçais pas à ne pas en rêver, c’est juste qu’on a tous envie de gagner au loto mais on dit toujours que ça va arriver aux autres. Je me disais que ça ne servait à rien de dire « je rêverais que ». Mais bien sûr, j’ai rêvé de tout ce qui brille, d’avoir le même corps que les filles dans les magazines… Maintenant, à mon âge (j’ai eu 26 ans il y a pas longtemps), comme tout le monde et quel que soit l’âge, je me sens toujours à dix minutes d’un truc. Mais tant mieux, c’est sain, c’est ce qui fait que j’ai envie de faire mieux. Heureusement qu’il y a ces dix minutes et que je ne me suis pas assise en me disant « c’est génial, je suis belle, je suis grande, je suis la meilleure comédienne du monde… je ne comprends pas pourquoi cette conférence de presse, d’ailleurs ! »

Journaliste :
Pour le côté « Tout ce qui brille », est-ce qu’il n’y a pas aussi de façon sous-jacente un petit discours sur le cinéma, sur la façon dont on peut aussi perdre pied en étant attiré par les lumières du cinéma ?

GN :
Honnêtement on n’y a pas pensé en écrivant ça, et puis on ne l’a pas vécu, le perdage de pied… parce qu’on n’a pas eu l’occasion, non plus ! Quand on le vivra, on vous le dira !

Journaliste :
Le titre du film a-t-il toujours été celui-là ?

GN :
Non. Au départ, il n’y avait pas de titre, ça s’appelait « Sans titre » ! Un jour, on s’est dit « Allez, on se fait une journée titres » ! On a rempli des carnets, on a mis tout ce qui nous passait par la tête. Je me souviens, il y en avait un qui était bien pourrave : « Les Talons et le Métro » ! Il y a eu une pléiade de titres absolument infectes ! En fait, à la base, on avait un titre anglais qui s’appelait « Mind the gap ». On nous a dit qu’il fallait oublier le titre anglais. On dit « Mind the gap » dans le métro en Angleterre, et pas en France… Un jour, Lisa Azuelos, qui est un peu à l’origine de tout ça, nous appelle et nous dit « ça y est j’ai un truc », elle nous dit « Tout ce qui brille », on lui a raccroché au nez et on a écrit « Tout ce qui brille » sur le scénario.

HM :
Non, elle en avait deux…

GN :
Le second c’était « L’herbe est plus verte », qui est bien pourri !

Journaliste :
Pour la séquence de la soirée dans le Shopi, vous avez eu l’idée comment ?

GN :
On en a vécu, des soirées un peu particulières, Hervé et moi, à Paris, à New York, à Londres… On a vécu dix fois plus dingue ! On s’était dit qu’au cinéma, on n’allait jamais nous croire ! On avait fait une soirée dans un hôtel où les gens démolissaient l’hôtel parce qu’ils allaient faire des travaux, c’était n’importe quoi ! Hervé, il est allé dans une soirée dans un atelier de métallurgie, c’était hyper dangereux, il y avait des scies partout ! A New York, il y a des soirées dans des églises… Le Shopi, c’était un bon compromis pour faire une soirée. En plus, c’est ennuyeux de tourner tout le temps dans des boîtes de nuit, pour un réalisateur, donc ça nous permettait d’avoir une autre lumière, de faire d’autres plans et de raconter surtout ce qu’on avait envie de raconter, c’est-à-dire que parfois il se passe des soirées dans des endroits qui paraissent exotiques pour les branchés et pas du tout pour les autres personnages.

Journaliste :
Parlez-nous du choix du casting.

GN :
On a écrit pendant 8 mois et on a pensé à Leïla très très très fort donc on l’a associée au projet très vite et elle a dit oui très rapidement. On est même allé voir des producteurs avec son nom. Pourtant, on ne la connaissait pas dans la vraie vie, seulement au cinéma. Après il s’est passé plein de choses. Il y a eu des rencontres avec notre directrice de casting, Emmanuelle Prévost, notamment Audrey Lamy, qu’on ne connaissait pas du tout puisqu’elle n’avait aucune exposition médiatique à l’époque. Pour le casting, on avait demandé un dress-code, on avait demandé à Emmanuelle de faire venir les comédiennes en jogging parce qu’Hervé et moi, on l’avait dans la tête cette Carole et on avait besoin qu’elle soit ce qu’on voulait précisément, et Audrey est arrivée, elle a beaucoup travaillé… Donc il y a eu des gens dont on rêvé, dont on connaissait le travail, et d’autres qui ont été de vraies découvertes. On avait envie de faire un vrai film de comédiens. On a fait énormément de lectures avec tous les comédiens, même avec ceux qui n’avaient que deux jours, je pense notamment à Nader Boussandel, qui joue le type au balcon, qui est arrivé avec sa poésie à fabriquer un personnage qui a dépassé ce qu’il y avait dans le scénario. Pour Lin-Dhan Pham, c’est un rôle vachement dans le silence, qui est très éloigné d’elle : à part boire de l’eau chaude, dans la vie elle est quand même super gentille ! Tout d’un coup, on lui a mis une perruque, on l’a fait fumer des clopes, et c’était juste dans le regard, c’était intéressant de la pousser là-dedans. Elle a joué le jeu et elle s’est éclatée !

Journaliste :
Et vous, Leïla, vous vous être retrouvée dans votre personnage ?

LB :
Non, pas du tout. Je me suis retrouvé dans cette histoire d’amitié puisqu’on a tous vécu plus ou moins une amitié hyper forte avec quelqu’un. C’est ça qui me plaisait, c’est le rôle, jusqu’à présent, où je me suis le plus amusé parce que je n’ai rien mis de moi dans ce rôle et en même temps je n’ai jamais joué avec des gens qui soient devenus très très proches, donc c’est assez paradoxal comme sentiment. Ca m’a plu de jouer un rôle aussi éloigné de moi et c’est aussi la seule fois où je ne me suis pas regardée. Le 8 juin, c’était le commencement du tournage, je leur ai donné mes yeux, à Géraldine et Hervé, et je leur ai dit « je ne me regarde plus, c’est vous mon miroir ». J’avais totalement confiance en eux. Quand on n’a pas confiance en son metteur en scène, ce n’est pas possible mais là j’avais une confiance aveugle. De tourner avec toute cette galerie de personnages, et avec Géraldine qui était vachement à l’écoute, c’est important. Et avec le personnage d’Audrey, Carole, pour les scènes à trois, on pense souvent que c’était de l’impro alors que c’était écrit mais c’est justement parce qu’on s’écoutait beaucoup. C’est pour ça que le casting ressort. Ca fait un peu Bisounours mais j’ai pas l’impression de tenir l’un des rôles principaux ! Je fais partie de ce film au même titre que Nader qui est au balcon. Comme disait Hervé, c’est encore plus dur d’être là quand tu as deux ou trois jours de tournage et il y avait une vraie bonne ambiance de travail, donc on était tous contents d’être là. Dans tous les films, et c’est normal, le comédien s’approprie un peu le texte, change un peu les phrases. Le scénario de « Tout ce qui brille », c’est le seul où je n’ai pas changé une virgule.

Journaliste :
Vous êtes à dix minutes de quel projet, maintenant ?

GN :
Spielberg… On est à cinq petites minutes, allez deux minutes de Spielberg ! [rires] Non mais on est à dix minutes de tout, il y a la suite qu’on ne connaît pas…

Journaliste :
Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir comédienne ?

GN :
Lisa Azuelos, en me choisissant pour jouer dans son film. En fait, la directrice de casting, qui est aussi la nôtre, était Emmanuelle Prévost, et moi je faisais des « conneries » à la télévision, mais je le faisais parce que j’étais productrice sur cette chaîne de télé, qu’on n’avait pas d’argent pour payer des talents, donc je le faisais en pensant que personne ne me voyait et elle m’a vue, et elle m’a fait venir mais je ne savais pas du tout pour quoi c’était. C’était entre midi et 2, j’étais à la prod’ de la chaîne Comédie et je suis arrivée, j’ai vu Valérie Benguigui, j’ai compris qu’elle donnait la réplique, je me suis dit « ah merde, une vraie comédienne donne la réplique » ! Un mois après, j’étais sur le tournage.

Journaliste :
Et vous, Leïla ?

LB :
Moi, c’est une histoire pas drôle du tout mais je vous jure que c’est vrai ! Ca faisait 4 ans que j’achetais un magazine qui s’appelait « Casting » et le truc un peu drôle pour moi, c’était d’ouvrir le magazine, de regarder s’il y avait une annonce qui pouvait me correspondre, et si oui je refermais, je souriais et je passais à autre chose ! J’achetais ce magazine vraiment pour ça, pendant 4 ans ! Puis j’ai eu mon bac, comme j’ai cru que j’avais un Master, j’ai dit à mes parents : « je fais une année sabbatique ». Ils ont dit « non c’est normal d’avoir le bac donc tu vas à la fac ». J’ai suivi une section qui s’appelait l’art-thérapie, on aidait les handicapés avec la peinture, etc. Et comme je ne faisais que pleurer, je m’enfermais dans les toilettes parce que j’avais tellement honte d’être en bonne santé et d’être bien que je ne faisais que culpabiliser, donc je ne leur rendais pas service donc j’ai arrêté. Mon frère et ma sœur avaient un magasin de vêtements à Orléans et m’ont dit « tu viens travailler à Orléans ». Donc je suis allé travailler à Orléans, je vendais des jeans mais j’aimais bien parce que j’étais en relation avec des gens, je voyais des gens toute la journée. Et j’ai racheté encore ce magazine, c’était un jeudi, je me faisais chier et j’ai vu l’annonce de « Sheitan », ça m’a fait sourire et comme d’hab’ j’ai refermé le magazine. Et puis je suis rentré chez moi le soir, j’allume la télé et je vois Vincent Cassel qui fait un appel à casting sur Canal+. Je me dis « ah c’est drôle, c’est la première fois que je ré-entends parler d’un truc ». Un pote à moi m’appelle et me dit d’envoyer ma photo. Le lendemain, je me retrouve à Gare du Nord avec un copain et en fait je savais que c’était rue de Paradis qu’il fallait déposer ses photos. Je me dis « bon c’est juste à côté », à dix vraies minutes ! Donc je suis allée au photomaton de la Gare du Nord, j’ai fait 4 photos d’identité en noir et blanc pour que ça fasse un peu plus professionnel. Je suis arrivée pour déposer les photos, un des personnages principaux descendait fumer une clope et m’a dit « monte, y a la directrice de casting en haut ». J’ai dit OK, je ne savais pas du tout ce que c’était qu’une directrice de casting ! Je suis tombée nez à nez avec elle, elle m’a présenté le réalisateur, elle m’a donné un texte, je devais revenir le lendemain. Ca s’est bien passé, ils m’ont dit de revenir le surlendemain, je suis revenue et pendant deux semaines, je n’ai pas eu de nouvelles. Pour vous dire, je n’en avais même pas parlé à ma famille puisque pour moi ça n’allait aboutir à rien. Et on m’a appelé pour me dire que j’étais choisie pour faire un des rôles principaux. J’ai reçu le contrat, je n’avais pas d’agent donc avec mon frère et ma sœur, on a fait genre on regardait, on épluchait le contrat… On comprenait un mot sur deux ! On a dit « OK, on est d’accord, on signe ».

Raphaël Jullien Envoyer un message au rédacteur

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