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INTERVIEW

PODIUM

Yann Moix, Benoît Poelvoorde et Julie Depardieu

Réalisateur-scénariste, acteur, actrice

Yann Moix : Mon ambition première a toujours été de faire le film. Le scénario a été écrit avant le roman. Comme j’ai mis du temps à monter le film, à convaincre les uns et les autres, j’ai écrit le roman. L’un n’est pas l’adaptation de l’autre, les deux écrits traitent du même su…

© Patrice Riccota

Yann Moix : Mon ambition première a toujours été de faire le film. Le scénario a été écrit avant le roman. Comme j'ai mis du temps à monter le film, à convaincre les uns et les autres, j'ai écrit le roman. L'un n'est pas l'adaptation de l'autre, les deux écrits traitent du même sujet, sans reprendre la même histoire.

Benoît Poelvoorde : Il ne s'agit pas d'une adaptation de son livre. Il a simplement utilisé les deux médiums en utilisant les deux outils. Ceux qui parcourront le livre après avoir vu le film découvriront beaucoup de choses qui n'ont pas pu être utilisées à l'écran.

Journaliste : A quel moment Benoît Poelvoorde est-il apparu ?

Yann Moix : Le film a été écrit à la virgule près pour Benoît. J'avais vu " Les convoyeurs attendent ", " C'est arrivé près de chez vous ", et bien sûr " Les portes de la gloire ", son plus grand film à mes yeux. C'est lui que je voulais, absolument. Pour être sûr qu'il accepte, j'ai écrit le roman, histoire d'aiguiser sa curiosité et son envie. On a l'impression qu'il est un instrument de musique ; on a envie de jouer sur lui. J'avais envie de faire ma compil' perso. Il a une façon de s'exprimer très " littéraire ", une espèce de langage entre oral et écrit. Mon alphabet était celui de sa manière de parler. Je voulais que mon verbe et le sien se rencontrent. Je ne pouvais d'ailleurs pas faire ce film sans Benoît et je ne voulais pas que quelqu'un d'autre le réalise à ma place.

Journaliste : Comment avez-vous réagi lorsque Yann Moix vous a proposé le scénario ?

Benoît Poelvoorde : A vrai dire, la première fois, j'étais pas franchement emballé par le projet… Il voulait faire un film sur les sosies. Mouais… Je l'ai pris pour un illuminé. Et puis je me suis dit : " Deux illuminés ensemble, pourquoi pas ?… "

Journaliste : Et vous n'avez pas reculé, malgré tout l'engagement, surtout physique, que le rôle demandait ?

Benoît Poelvoorde : Je n'ai pas été découragé par la danse. Au début je croyais même que c'était facile de danser ! Mais après trois mois d'entraînement draconien avec une tortionnaire [Mia Frye, qui lui a appris les pas de Cloclo], je n'avais qu'une envie : me venger… Je me suis amusé à la foutre dehors, elle et son calamar géant ! [Bernard Frédéric vire Mia Frye d'une audition en désignant sa coiffure]. J'avais demandé l'autorisation à Yann, parce qu'elle ne devait absolument pas être au courant. On a gardé la 1ère prise, sinon l'effet de surprise n'aurait pas été naturel. Mais je pense que si j'avais vu Popstar avant, je n'aurais pas accepté. Danser, c'est pas vraiment ma tasse de thé ; même chanter, c'est quelque chose de très intime. Il y avait un rapport au corps direct, même si j'étais caché derrière Claude François.

Journaliste : Comment se sont passées les séances de chant ?

Ils éclatent tous les trois de rire.

Benoît Poelvoorde : Au départ il voulait qu'un autre mec chante à ma place. Finalement j'ai fait des tests de voix, ils ont trouvé que c'était pas mal, et là, ça a été l'horreur. J'ai fait trois mois de vocalises avec Richard Cross, j'ai arrêté de fumer (pendant 20 jours seulement, je ne pouvais pas plus), et j'ai même dû me taire pendant une semaine ! Pour " Le Vélo de Ghislain Lambert ", j'avais déjà été obligé de me calmer ; ensuite, vous imaginez avec José Garcia (" Rire et Châtiment "), mais là, vraiment…

Journaliste : Comment avez-vous réussi à doser sympathie et ironie ?

Benoît Poelvoorde : Je crois que le film marche parce qu'on ne se moque ni de Claude François, ni des fans, ni des sosies. Mon personnage est complètement dingue, il est grotesque, mais il n'est jamais mis sur la sellette.

Yann Moix : On avait une heure et demie pour transformer un monstre en humain. On n'a porté aucun jugement, on a tout fait en connaissance de cause. Au final c'est le point de vue qui compte. Je voulais que la plupart des scènes soient vues par les personnages : ils mettent des paillettes là où il n'y en a pas.

Journaliste : N'avez-vous pas eu peur qu'il y ait trop de musique ?

Yann Moix : Non, pas vraiment. Vous savez, le cinéma est un spectacle, la littérature une réflexion. Beaucoup de scènes ont été coupées au montage. La première version durait près de 2h30. Je voulais absolument faire un film d'1h30 parce que le personnage principal du film, c'est le rythme, c'est une question de longueur. Et puis, au niveau du nombre de chansons, on s'est vite rendu compte de la dose qu'il fallait mettre.

Benoît Poelvoorde : De toute façon, je leur avais dit : six chansons, et puis basta !

Journaliste : N'est-ce pas trop dur d'être la femme du sosie d'une star ?

Julie Depardieu : Si, surtout parce que le personnage n'est pas glorieux… Je suis tout le temps en train de l'engueuler, super, le rôle !

Benoît Poelvoorde : C'est un rôle très ingrat. D'ailleurs, tout le monde lui disait de refuser, mais Julie est très têtue, quand elle a décidé quelque chose, rien ne peut la faire changer d'avis. Elle est d'un naturel flamboyant.

Julie Depardieu : Si je suis naturel, c'est parce qu'il y a quelque chose de Véro en moi. Je ne suis pas capable de composer des choses extraordinaires, tout ce que je ressens quand je joue un personnage vient de moi, de mon histoire.

Benoît Poelvoorde : D'ailleurs elle a été récompensée de son talent, elle est nominée aux Césars !

Julie Depardieu : Oui, quand j'ai appris ça, je me suis dit : c'est la meilleure ! Dans la catégorie " Jeunes espoirs ", vous imaginez ? J'ai trente ans !! C'est la première fois que je suis nominée. Je suis flattée, bien sûr, mais c'est plus de mon âge…

Yann Moix : Elle dit que Véro ne fait que gueuler, mais son personnage a une place très importante dans l'histoire de Bernard Frédéric. C'est elle qui le fait retomber sur terre. Dans ses moments de délire, c'est la seule qui puisse lui mettre une bonne claque.

Benoît Poelvoorde : Je suis ravi parce que c'est la première fois que, dans un film, j'ai une femme admirable, crédible, et c'est surtout la première fois que je suis amoureux d'elle.

Journaliste : Comment s'est passé votre collaboration avec Jean-Paul Rouve ?

Benoît Poelvoorde : Génial. Ca a marché dès notre première rencontre. Personne ne se sentait gêné, on était tous très à l'aise. Yann a réussi à nous rassembler, alors qu'on ne se serait pas forcément rencontré.

Julie Depardieu : C'est vrai que le tournage s'est vraiment bien passé. D'habitude, on dit ça parce que la promo l'impose dans une certaine mesure, mais dans ce cas-là, c'est vrai qu'on s'est bien marré. Nous sommes d'autant plus contents que jusqu'à présent, le film est plutôt bien accueilli.

Anthony REVOIR Envoyer un message au rédacteur

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