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INTERVIEW

PETITS RUISSEAUX (LES)

A l’occasion de la sortie de l’adaptation de la bande dessinée « Les petits ruisseaux », le réalisateur du film et auteur de l’œuvre d’origine, Pascal Rabaté, répond à nos questions après les dix minutes d’interview accordées par la vedette du film : Daniel Prévost.

Journaliste :

© Ad Vitam

A l'occasion de la sortie de l'adaptation de la bande dessinée "Les petits ruisseaux", le réalisateur du film et auteur de l'œuvre d'origine, Pascal Rabaté, répond à nos questions après les dix minutes d'interview accordées par la vedette du film : Daniel Prévost.

Journaliste :
Connaissiez-vous les bandes dessinées de Pascal avant de le rencontrer pour ce projet ?

Daniel Prévost :
Non, je ne les connaissais pas. Je suis venu à Pascal par le scénario qui m'a été envoyé. Je l'ai donc lu et accepté, puis, Pascal m'a donné la BD que j'ai trouvée magnifique.

Journaliste :
J'ai vu de nombreux films de vous et je ne me souviens pas avoir vu de scènes de sexe ou de nudité avec vous.

Daniel Prévost :
Moi non plus ! (rires)

Journaliste :
Pour quelle raison ? Personne ne vous en a jamais proposé ?

Daniel Prévost :
Je ne peux pas te répondre. Je ne sais pas. En ce qui me concerne, je n'ai jamais envisagé que l'on me verrait comme un homme sexué. Maintenant, le fait que l'on me propose cette histoire ne m'a pas choqué plus que cela, mais j'ai tout de même discuté avec le metteur en scène pour savoir exactement comment ça allait se passer. Les scènes d'amour, ce n'est pas mon truc. Je ne cherche pas à faire ce genre de séquences. Simplement, Pascal m'a expliqué que les choses allaient se faire de façon pudique et avec délicatesse. A partir de là, on s'est mis d'accord. Je n'ai pas eu envie de refuser à cause de cela pour autant. Cela dit, je me suis tout de même dit : "réfléchissons…".

Journaliste :
Quel regard avez-vous sur votre personnage ?

Daniel Prévost :
Je n'ai pas vraiment de jugement à porter sur lui. C'est un personnage solitaire, qui pense que sa vie est en train de se terminer, mais qui repart dans une renaissance à la suite de rencontres. C'est comme une belle nouvelle jeunesse.

Journaliste :
Il y a une phrase dans le film qui dit: "le présent n'existe pas, seul le futur passe". Qu'est-ce que ça veut dire?

Daniel Prévost :
Il se trouve que c'est très dôle car, c'est surtout l'effet qu'elle produit qui est intéressant. C'est dit avec une telle conviction que l'on a l'impression qu'on a assené une réflexion hautement philosophique, sur le coup. Puis après tu réfléchis et puis tu te dis : "mais ça ne veut rien dire son truc !". Il y a peut-être un petit sens caché ou quelque chose…

Journaliste :
Pour terminer, avez-vous des projets en cours?

Daniel Prévost :
Oui, j'ai des projets. Je vais réaliser un film sur une histoire personnelle. C'est en cours d'écriture pour l'instant.

Journaliste :
Pascal Rabaté, qu'est ce qui vous a donné envie d'adapter votre bande dessinée ?

Pascal Rabaté :
Ce sont les producteurs qui m'ont donné l'envie de le voir autrement que sous la forme de livre. Xavier et Jean-Louis sont venus me trouver trois mois après la publication du livre, en me disant qu'il y avait un sujet qui semblait intéressant à traiter au cinéma. Ensuite, j'ai commencé à mettre à plat le livre pour le transformer en scénario et au bout d'une semaine, Xavier m'a rappelé en me proposant carrément de le réaliser. J'ai tout de suite accepté.

Journaliste :
Si vous avez tout de suite dit oui, c'est que vous y aviez pensé ?

Pascal Rabaté :
Non, je n'avais pas pensé à faire ce texte-là, mais je m'étais déjà essayé à l'audiovisuel. J'avais fait un premier court quand j'étais étudiant, mais bon, il y a prescription car c'était très, très vieux. J'avais ensuite fait deux petits courts, un bout de reportage et un moyen-métrage avec Angelo Zamparutti, avec qui j'ai aussi écrit deux livres et qui est surtout le décorateur des "Petits ruisseaux". J'avais envie de m'essayer sur autre support et un autre genre. Sans dire que la BD pousse à l'autisme, c'est vrai qu'il y a quand même un peu de cela. On travaille seul et j'avais envie d'une création de groupe.

Journaliste :
Mais pourquoi est-ce celui-là qui est devenu un film ?

Pascal Rabaté :
C'est peut-être parce que c'est celui qui était le plus en phase avec son époque, avec un problème qui n'avait pas été traité : celui de la sexualité au troisième âge. Je pense que c'était dans l'air du temps. Il y avait eu un film allemand qui traitait du même sujet, sorti l'année dernière (NDLR: "Septième ciel"), mais de manière un peu plus frontale. Ce n'était pas une comédie mais plutôt un drame. Sur les autres ouvrages, il n'y avait peut-être pas "matière à" ou leurs sujets n'étaient pas porteurs. Mais je vous dis, c'est vraiment parti des producteurs.

Journaliste :
D'autant plus que vous parlez de la nudité. Avec son crayon, dessiner la nudité n'est pas un problème, mais sur un plateau, est-on intimidé de demander à des acteurs de se déshabiller?

Pascal Rabaté :
On est intimidé, c'est sûr, mais l'avantage d'avoir fait un bouquin avant est de pourvoir donner des images pour se faire une idée par rapport à un scénario stipulant simplement : "deux corps font l'amour". Ceci dit, dans le livre, il y avait des images crues et la question sur la manière de filmer s'est vite posée du côté des acteurs. Daniel Prévost et Hélène Marchand ne sont pas des nudistes dans l'âme. Il y avait bien une question de pudeur. Je leur ai donc expliqué que l'un des enjeux était de montrer que les rides ne sont pas des cicatrices du temps. Je trouvais d'ailleurs ces corps, abimés par la vie, beaux à filmer et je voulais les filmer sans jugement. Ils ont compris qu'il s'agissait d'un enjeu assez fort et que j'allais le faire de façon respectueuse et décente.

Journaliste :
On sent l'influence BD dans votre manière de filmer…

Pascal Rabaté :
Je me sens plus proche d'un réalisateur comme Jacques Tati, qui faisait circuler ses acteurs dans un cadre. C'est surtout à lui que j'ai pensé. Je n'ai pas pensé BD, sinon j'aurais été plus court au niveau plan. Or là, j'ai privilégié les plans séquences. Je trouve ça déjà plus confortable pour les acteurs. Ca permet de rentrer dans les scènes et je voulais aussi donner le temps aux spectateurs de s'imprégner de l'environnement, car le cadre de vie est aussi important que les personnages eux-mêmes. Cela nécessitait donc des plans plus larges qu'on en voit dans la BD.

Journaliste :
Aujourd'hui, ces personnages sont joués par des acteurs. Mais lorsque vous avez défini ces personnages pour la BD, vous aviez pensé à qui ?

Pascal Rabaté :
A personne. Ou plutôt, je n'avais pas pensé à des acteurs mais plutôt à des gens que j'avais croisés. C'était des personnes vivant en bas de chez moi, des gens qui se rendaient dans le commerce de mes parents, des membres de ma famille. Lors du casting, je voulais trouver des acteurs qui incarnaient ce que j'avais envie de représenter, c'est-à-dire l'attitude du monde agricole et des personnalités qui sentent le vécu.

Journaliste :
Quelle est la principale différence entre le cinéma et la BD dans votre processus créatif ?

Pascal Rabaté :
Il y a un coté assez "chaussons" avec la BD. On s'autodiscipline pour avancer dans son travail. Moi, ça ne me pose pas de problème. Je m'emmerde en vacances et j'ai besoin de faire pour exister. Ceci dit, on n'est pas dans le domaine de l'urgence, de la construction à tout prix. Quand vous avez un doute, vous pouvez refaire les planches indéfiniment. Il n'y a pas de réelles pressions. Le cinéma, c'est tout le contraire. Vous avez un temps donné pour réaliser un film et, heureusement, car ça coûte assez cher comme cela. Là, on est obligé de trouver des solutions rapides. Il y a cette image que j'aime beaucoup utiliser : la bande dessinée, c'est un feu de cheminée et le cinéma, c'est un feu de forêt. Vous avez quelque chose qui va flamber pendant des semaines, où vous allez travailler à fond avec toute une équipe. Tout le monde souffre et emploi son énergie à finir cette course de vitesse. Mais c'est hyper enthousiasmant. Vous vivez des semaines d'une intensité rare. Quand ça se passe bien comme ça a été le cas, une fin de tournage ressemble plus à un enterrement qu'à une fête. Le livre reste du domaine de l'intime, alors que le cinéma est un phénomène de groupe, fait par le groupe et regardé par le groupe. Ce sont des plaisirs différents.

Journaliste :
Donc cette expérience vous a donné envie de continuer dans le cinéma ?

Pascal Rabaté :
Eh bien là, on est reparti avec mon producteur, Xavier Delmas, sur un deuxième tournage qui va démarrer fin août. On a décidé de battre le fer tant qu'il était chaud. Pour celui-ci, ce n'est plus une adaptation mais un scénario original écrit pour le cinéma et qui, je crois, est difficilement adaptable en BD. C'est un scénario qui s'inscrit dans la veine Tati… Mais pas tout à fait… En tout cas, c'est du burlesque et ce n'est pas un film qui repose sur les dialogues. Ca s'appelle "Un week-end à la mer". C'est film choral avec des couples de différents milieux sociaux qui se croisent le temps d'un week-end. Il y a un peu des "Trois petits cochons", un peu du "Chaperon rouge", un peu de Tati.

Journaliste :
Et qui sera le grand méchant loup ?

Pascal Rabaté :
Alors pour le grand méchant loup, on a quelqu'un en vue mais je ne peux pas dire qui, car ce n'est pas sûr. Concernant ceux qui ont confirmés, on a François Morel, Yolande Moreau, Charles Schneider, qui est le barman des "Les petits ruisseaux", Dominique Pignon. On a la superbe Maria De Medeiros et puis, Gustave Kervern et d'autres dont on attend les autorisations.

Alexandre Romanazzi Envoyer un message au rédacteur

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