Banniere_11_films_de_separation_Saint_Valentin

INTERVIEW

IL Y A LONGTEMPS QUE JE T’AIME

© UGC

Journaliste :
Combien de temps entre l’idée du film et aujourd’hui ?

Philippe Claudel :
Deux ans très intenses, qui m’ont demandé beaucoup d’énergie !

Journaliste :
Est-ce que le film ressemble à ce que vous imaginiez ?

Philippe Claudel :
Oui ! Je serais mal à l’aise si c’était le contraire. J’étais content après chaque journée de tournage… Après le premier montage, j’étais content car tout était déjà là, l’essentiel était là ! Je me mettais beaucoup de pression car j’avais une grosse responsabilité. Je ne voulais pas décevoir les producteurs et je ne voulais pas me foutre de la gueule du contribuable ! Je voulais faire un film qui ne parle pas qu’à un seul public, mais je ne voulais pas faire un film racoleur non plus. Je voulais une mise en scène sobre qui aille avec les personnages.

Journaliste :
Quelle était l’idée d’origine ?

Philippe Claudel :
A la base je voulais faire un portrait de femme, puis raconter des destins féminins. J’avais le désir de faire le contraire de mes romans. Enfin j’ai eu l’idée de deux sœurs et d’explorer le fait qu’on peut être élevé par les mêmes parents et avoir des destins si différents. Les deux sœurs sont a priori différentes mais elles ont en elle une force absolue : Juliette, a la force de ne pas se justifier. Sa sœur , plus jeune , plus fragile possède, elle, cette force incroyable de ramener sa sœur à la vie… Que les deux filles de Léa soient adoptées n’est pas innocent. Leur lien est l’amour. Il n’y a aucune volonté chez Juliette de se rapprocher de sa sœur. Quant à Léa, elle a vécu son absence comme un décès… Elle s’est construite dans le manque. Il y a une sorte de cassure. Du coup, le couple dans le film est marginalisé.

Journaliste :
Le thème de l’enfermement est récurrent. On voit qu’il vous tenait à cœur…

Philippe Claudel :
En effet, l’enferment est décliné sous plusieurs aspects : le grand-père est enfermé dans son silence. On peut facilement comparer sa chambre à une cellule. C’est d’ailleurs le premier personnage vers qui Juliette va.

Journaliste :
Qu’est-ce qui a motivé votre façon de filmer de si près ?

Philippe Claudel :
J’avais la volonté d’avoir une caméra au plus près des êtres, comme une caméra scalpel. Je voulais filmer l’importance de ce que les visages pouvaient dire. Les actrices n’ont pas de maquillage. J’ai fait le choix de la Haute Définition pour avoir une belle image pour les plans extérieurs. Le film rassemble plein d’éléments qui me sont chers et les lieux ont un rôle important : la piscine, les cafés, les rues…

Journaliste :
Comment avez-vous fait votre casting ?

Philippe Claudel :
Kristin Scott Thomas est une grande comédienne et elle n’avait jamais eu de premier rôle dans le cinéma français… Quant à Elsa Zylberstein, je l’avais en tête depuis le début. Les deux formaient un couple intéressant. Je trouvais qu’il y avait une ressemblance physique et elles étaient crédibles en sœur.

Journaliste :
Est-ce que vous avez pensé à ne pas révéler du tout à la fin, ce qu’il s’était réellement passé ?

Philippe Claudel :
J’y ai pensé oui, mais je ne l’ai pas tenté car cela aurait été immédiatement un autre film qui ne dit pas la même chose que le mien. Et dans la tête des gens aussi cela aurait été différent. Pour 90% d’entre eux cela aurait été le portrait d’une femme qui a tué son enfant et on aurait imaginé le pire. Je voulais filmer la renaissance à la vie, c’est-à-dire le portrait de quelqu’un qui décide de revenir. La scène de la fin est une sorte d’accouchement de la douleur, de tout ce qui est impossible à dire. D’ailleurs le non-dit est très présent dans le film et il y a tout un jeu à développer en dehors du parler : Juliette a décidé de se taire et elle n’a pas à se justifier. Comment la douleur peut enfermer une femme ? Son acte est au delà des lois humaines.

Journaliste :
Pourquoi avoir fait appel à Jean-Louis Aubert pour la musique ?

Philippe Claudel :
Je le connais dans la vie et c’est quelqu’un qui est vrai, qui a une faculté d’émerveillement et qui possède une belle naïveté. Celle histoire pouvait le toucher. J’avais beaucoup aimé « alter ego » mais la chanson était trop connue. Je lui ai demandé de faire des variations autour de cette chanson.

Laëtitia Langue Envoyer un message au rédacteur

À LIRE ÉGALEMENT