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INTERVIEW

BIENVENUE A BATAVILLE

Journaliste :
François Caillat comment expliquez vous que Tomas Bata, a priori patron capitaliste, ait instauré à Bataville un système stalinien ?

François Caillat :
Effectivement Bataville répondait à un système totalisant : utiliser l’homme et le modeler au travail aut…

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Journaliste :
François Caillat comment expliquez vous que Tomas Bata, a priori patron capitaliste, ait instauré à Bataville un système stalinien ?

François Caillat :
Effectivement Bataville répondait à un système totalisant : utiliser l’homme et le modeler au travail autant que dans ses loisirs. Tomas Bata avait installé un grand nombre d’infrastructures sportives et les bals qu’il organisait dans la salle des fêtes étaient les plus grands de la région. Cette cité fut construite dans un endroit stratégique, au beau milieu de la Lorraine rurale alors vierge de toute entreprise. Avant d’implanter l’usine, Il construit une briqueterie et des fermes d’élevage pour créer la cité en même temps que l’usine, avec une épicerie, une école et de multiples établissements de loisirs. Il réalisa ainsi un système auto-régulé que certains appelleront “Petit Monaco” !

Mais à l’inverse d’un système stalinien, les ouvriers étaient intéressés au rendement. Travailler plus pour gagner plus était déjà la devise de Bataville. C’étaient les meilleurs qui avaient droit à un logement. Les salaires étaient plus important qu’ailleurs, et tous les ouvriers pouvaient suivre des formations afin d’évoluer au sein de l’usine. C’est ainsi que la Cité a connu plusieurs générations de travailleurs.

Journaliste :
Pouvait-on être syndiqué à Bataville ?

François Caillat :
Il n’y a jamais eu de syndicats. D’ailleurs Bataville que ce soit en 36 ou en 68, ne connut aucune grève. Le 1er mai c’était la fête de l’usine. Les récalcitrants étaient tout simplement licenciés. J’ai rencontré des personnes dont les parents ont essayé de monter une organisation syndicale, ils ont alors perdu logement et travail et ont du déménager dans un autre département.

Journaliste :
Votre film n’est pas construit comme un documentaire classique mais plutôt comme une fable. Quelles sont les raisons de ce choix ?

François Caillat :
Par la forme, j’ai voulu démontrer le fond. Bataville était une utopie paternaliste, un monde très artificiel. Le récit tourne en rond comme une litanie et rappelle ainsi le discours patronal de cette autarcie, illustrant alors l’aliénation autant attractive que répulsive.

Journaliste :
Quelle a été votre démarche pour réaliser ce film ?

François Caillat :
Je suis lorrain d’origine et j’avais déjà réalisé dans cette région “La quatrième génération” qui traitait, au travers de mon histoire familiale, de la guerre et du changement d’identité nationale. Cette fois, j’avais envie d’aborder la Lorraine sous un angle économique. Je suis parti en repérage et au milieu de la campagne ma curiosité a été attirée par ces pavillons modernistes aux toits plats totalement incongrus pour la région. C’est ainsi que j’ai découvert Bataville et son histoire.

Journaliste :
Quels sont vos projets aujourd’hui ? Travaillez vous déjà sur un prochain film ?

François Caillat :
Je suis actuellement en montage d’un documentaire autobiographique sur ma jeunesse amoureuse. La plupart de mes films traitent de ce qui reste du passé, de comment la mémoire reste. Comme pour “La quatrième génération”, j’essaye de mettre en valeur par l’intermédiaire de mon histoire des sentiments universels où tout le monde peut se reconnaître.

Gaëlle Bouché Envoyer un message au rédacteur

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