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INTERVIEW

APRÈS VOUS

C’est avec un sourire chaleureux que Daniel Auteuil apparaît dans la lumière tamisée du fumoir de la cour des Loges, serrant une à une les mains d’une quinzaine de journalistes et photographes. Pierre Salvadori le suit de peu, une barbe dissimulant à peine une fausse assurance. Plus flegmatique…

© Patrice Riccota

C'est avec un sourire chaleureux que Daniel Auteuil apparaît dans la lumière tamisée du fumoir de la cour des Loges, serrant une à une les mains d'une quinzaine de journalistes et photographes. Pierre Salvadori le suit de peu, une barbe dissimulant à peine une fausse assurance. Plus flegmatique que son acteur, il sert quelques mains seulement et rejoint son fauteuil. Sandrine Kiberlain, comme son personnage de Blanche dans le film, se fait désirer. Elle l'avoue elle-même : " c'est très flatteur d'être la femme idéalisée, qu'on ne voit pas au début du film. En même temps, à l'arrivée, il ne faut pas que ce ne soit que ça pour les spectateurs ". Et lorsque sa silhouette apparaît à l'entrée du fumoir, telle l'ombre chinoise du film, ce n'est effectivement pas que ça. Sandrine et Blanche cultivent malgré elles ce désir mais font aussi preuve d'un degré d'humour certain. On comprend vraiment pourquoi Salvadori l'a choisie pour le film : " je connais peu d'actrices aussi intenses dans un registre grave et tout aussi à l'aise dans l'humour ".

Salvadori aime ses acteurs et il le montre : " mes premiers coups de foudre au cinéma ont été pour des acteurs. C'est grâce à eux que je fais du cinéma. Je n'ai découvert des réalisateurs qu'après ". Par-dessus tout Salvadori dit affectionner les êtres humains : " j'aime les films à hauteur d'homme. Pour qu'un personnage accède à un statut héroïque, il faut qu'il soit humain ". Pour " Après vous… " il a voulu " pousser le personnage d'Antoine jusqu'au bout, le décliner, pour arriver à une vraie bonté ". Daniel Auteuil en profite alors pour souligner que " la drôlerie naît de la cruauté de certaines scènes, que l'on pourrait mettre en parallèle avec la comédie italienne de la grande époque : en plein dans une humanité qui [le] touche ! " Son intervention si sincère met en lumière une des raisons pour lesquelles Auteuil a accepté le rôle et ajoute que " la comédie renvoie à tout ce qu'on a de plus noble, de plus beau, de plus laid… poil au nez ! " avec un élan de dérision surprise ! Salvadori jubile et répond, enthousiaste: " c'est marrant, c'est exactement le genre de films qui me plaisaient quand j'étais jeune ! " Humain, le réalisateur essaie de le rester jusque dans sa méthode de travail : " je partage avec les acteurs le personnage que je crée puis je laisse entrer leur vécu à eux, tout en étant vigilant car parfois le réalisateur est le seul à avoir un aperçu global ".

Malgré leurs apparences décontractées, Salvadori, Auteuil et Kiberlain sont pourtant sur la défensive face à certains sujets. Pourquoi le réalisateur a-t-il mis autant de temps pour écrire ce film ? Pourquoi ce retour à la comédie ? " C'était un film très dur à écrire, et très long à faire. J'avais commencé une autre histoire puis j'ai tout mis à la poubelle. J'avais oublié qu'une comédie était si difficile ", répond-il, comme s'il refusait d'avouer qu'il avait mal vécu l'échec public de son précédent film (" les Marchands de sable ", une comédie dramatique). En fait, ce nouveau film paraît au contraire une sorte d'opportunité de retrouver un succès facile avec 2 méga stars. Salvadori semble étrangement agacé lorsqu'on lui demande d'où vient cette importance des regards dans son film : " ce n'est pas quelque chose qui est écrit dans le scénario ". Et quand on aborde la question du champ contre-champ, il affirme haut et fort que " c'est la grande noblesse du cinéma " et essaie d'éviter tant bien que mal de montrer son mépris pour le plan-séquence, dans des propos quelque peu paradoxaux : " Le plan-séquence est une virtuosité qui ne m'intéresse pas. Le champ contre-champ permet d'affirmer un point de vue, mais il ne faut pas oublier qu'au tournage, il s'agit de 2 plans-séquences sur 2 personnages ! "

Auteuil, lui, a du mal à exprimer pourquoi il a vraiment eu envie de faire ce film et semble se réfugier dans une réponse facile : " je voyais en ce film l'opportunité de parler de ce que je connaissais " ; et il émaille la rencontre de fanfaronneries comme pour dissimuler une simple timidité. Kiberlain, pour sa part, n'apprécie guère les comparaisons entre les rôles différents que chaque acteur a pu jouer dans plusieurs films, y voyant là une confusion entre acteur et personnage. En fait la rencontre nous montre la même chose que le film : un panel important de sentiments et de réactions humaines, et des personnages " à fleur de peau " (le titre original du script de Salvadori). Ironie de la rencontre, c'est l'absent José Garcia qui, par l'intermédiaire de Daniel Auteuil, détend l'atmosphère avec un dernier mot de dérision : " José m'a chargé de vous dire que c'était le plus beau rôle qu'il ait jamais interprété et que par conséquent il arrête le cinéma ! "

Raphaël Jullien Envoyer un message au rédacteur

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