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DOSSIERZoom sur un genre

ZOOM SUR UN GENRE : le western (3/4)

Alors qu’il est en train d’agoniser après avoir été magnifiquement transformé en Italie, le western s’apprête à connaître une étape très importante : la fin d’une époque et le passage vers un temps nouveau. Les légendes du western commencent à ne plus vraiment avoir l’âge de chevaucher et, surtout, le public commence à avoir envie de voir quelque chose de nouveau, à l’heure où les Etats-Unis sont enlisés dans la guerre du Vietnam. Tout comme le passage au 20e siècle fut une étape décisive pour la vie dans les plaines de l’Ouest et pour les légendes les ayant peuplées, le renouveau du western se devait d’être révisionniste, ancré dans une nouvelle époque et une nouvelle réalité.

LE WESTERN MODERNE

Entre Clint Eastwood, fraîchement revenu des productions italiennes et soucieux de ne pas voir ce genre noble mourir, Sam Peckinpah, qui lui offre ses plus belles dernières chevauchées, ou la nouvelle génération, qui manifeste le désir de s’essayer au genre qu’elle a vénéré dans sa jeunesse, le western moderne est né, et va essayer de survivre. Voici 10 films clés du western moderne.

© Warner Bros

1 – LA HORDE SAUVAGE (The Wild Bunch) de Sam Peckinpah avec William Holden, Ernest Borgnine, Robert Ryan et Warren Oates (1969)

Pike Bishope (Holden) et ses hommes sont des hors-la-loi. Deke Thorton (Ryan), un ancien partenaire de Bishope employé par le gouvernement, leur tend un piège lors d’un braquage, mais la bande de hors-la-loi réussi à s’enfuir. Thorton a 30 jours pour rattraper cette « horde sauvage » qui, pendant se temps, s’allie avec un bandit mexicain afin de voler un convoi d’armes de l’armée américaine.

Monument du cinéma, le chef-d’œuvre de Peckinpah est une véritable dernière chevauchée hargneuse vers la fin inévitable de l’Ouest et de ses figures légendaires (thème cher à Peckinpah). Ici, si les héros sont des voleurs, l’homme à leur poursuite n’est pas clean non plus. Comme le dira Henry Fonda dans "Mon nom est Personne" : « Le crime a changé de visage, il est désormais organisé ». Mais il en est de même avec les justiciers, Peckinpah préférant ici remplacer le bon vieux shérif par l’apparition des premières agences. Cette "Horde sauvage" (que Leone, scénariste, prendra un malin plaisir à éliminer dans le film précédemment cité, comme pour accentuer la mort du western américain) est le dernier bastion de l’Ouest, des hommes d’un autre siècle. La lutte pour leur survie peut être vue comme une métaphore de la survie de l’Ouest poursuivie par l’évolution. Car face au refus inévitable de l’évolution (et donc de la mort), qu’ils soient voleurs, justiciers ou paysans, les hommes sont tous égaux. Les valeurs n’ont plus leur place, seule la violence peut changer les choses. Quitte à quitter la scène, autant le faire les armes à la main, dans une dernière charge devenue mythique… Et c’est sans doute parce qu’elle est encore à ce jour la plus grande fusillade de l’Histoire du cinéma.

2 – L’HOMME DES HAUTES PLAINES (High Plains Drifter) de et avec Clint Eastwood, Verna Bloom et Geoffrey Lewis (1973)

Un étranger arrive dans un village dominé par des bandits. Il va devoir s’imposer s’il ne veut pas subir le même sort que les habitants, qui décident de l’engager pour les protéger. Cependant, les apparences sont peut-être trompeuses.

Eastwood, revenu de son aventure italienne, s’attaque dès son 2e film en tant que réalisateur au western. Il ne veut pas en finir avec le genre et sait que l’on peut encore beaucoup lui apporter. Il signe avec "L’Homme des hautes plaines" un véritable western crépusculaire, une œuvre prenant le meilleur de son bagage italien (la complexité des personnages) et y apporte une nouvelle brutalité, une nouvelle énergie destructrice. Le film est un pur « vigilante movie », et bien plus encore. "L’Homme des hautes plaines" est un véritable film fantastique, amoindri dans ses versions européennes par la mauvaise traduction d’une réplique essentielle à l’intrigue. Eastwood avouera plus tard qu’il préférait que chaque spectateur possède sa propre interprétation sur l’identité du cavalier solitaire.

3 – JOSEY WALES HORS-LA-LOI (The Outlaw Josey Wales) de et avec Clint Eastwood, Sondra Locke et Dan George (1976)

Josey Wales est un paysan qui assiste au meurtre de sa famille par des soldats nordistes. Suivant des Sudistes pour se venger, il est trahi avec son groupe, mais il survit au massacre et est déclaré hors-la-loi. Sur son chemin il croise plusieurs laissés pour compte : un chef indien, une indienne abandonnée, un vielle femme et une enfant. Devenu leur protecteur, ils l’aident dans sa vengeance, dans leur vengeance.

Clint Eastwood réalise avec ce film une synthèse du western : massacre, bataille entre Nordistes et Sudistes, Indiens, vengeance… Nous sommes donc à l’opposé du flingueur solitaire au passé mystérieux. Car si le passé de Josey Wales n’est pas important, son histoire est celle de l’Ouest et celle du western. De plus, Eastwood signe un film violent, intelligent et non dénué d’humour. Un classique bien trop souvent oublié et éclipsé par "L’Homme des hautes plaines" et les œuvres « léoniennes ».

© 20th Century Fox

4 – BUTCH CASSIDY ET LE KID (Butch Cassidy and the Sundance Kid) de George Roy Hill avec Paul Newman, Robert Redford, Katharine Ross et Strother Martin (1969)

Butch Cassidy (Newman) et Sundance (Redford) sont deux braqueurs sympathiques. Pris en chasse par les agents de la Pinkerton (la première « agence » du pays), nos deux compères font route vers la Bolivie.

"Butch Cassidy et le Kid" fait partie de ces œuvres emplies de légèreté mais à forte valeur nostalgique. Représentant de jeunes héros/hors-la-loi devant s’exiler à l’étranger afin de ne pas disparaître (comme le western ?), "Butch Cassidy et le Kid" est avant tout un buddy movie d’exception, qui n’a pas pris une ride malgré les références aux années 1960 (la chanson "Raindrops Keep Fallin’ On My Head" de Burt Bacharach, l’idée d’amour libre…), et dont le final est entré dans l’Histoire du cinéma. Décidant d’associer deux grands noms du cinéma pour les rôles de Butch et Sundance, c’est finalement le débutant Robert Redford qui donnera la réplique à Paul Newman. Le rôle est une telle charnière dans sa vie, que l’acteur réutilisera le nom à de nombreuses occasions, et notamment pour la création de son célèbre festival.

5 – PAT GARRETT ET BILLY LE KID (Pat Garrett and Billy the Kid) de Sam Peckinpah avec James Coburn, Kris Kristofferson, Jason Robards, Jack Elam, Slim Pickens, Charles Martin Smith, Harry Dean Stanton et Bob Dylan (1973)

Pat Garrett, l’un des pires bandits de l’Ouest devenu shérif, est chargé de traquer et d’éliminer son ancien camarade, Billy the Kid.

« Les temps ont changé, mais pas moi », dira Billy à son ami/ennemi Patt Garrett. Tout est bien résumé dans cette phrase prononcée par l’un des bandits les plus célèbres de l’Ouest. Œuvre lyrique, crépusculaire et d’une violence dont seul Peckinpah avait le secret et la maitrise, "Pat Garrett et Billy le Kid" est une ode aux légendes de l’Ouest. La bande originale, tout aussi magique et inspirée, est signée Bob Dylan qui, en plus d’assurer le lien vers les 70’s avec son pote musicien Kris Kristofferson (Billy The Kid) et de jouer un rôle, livrera l’une de ses plus belles et plus célèbres chansons "Knockin’ on Heaven’s Door". Le film est donc le témoin d’une époque, d’un genre. Les personnages ayant fait leur temps frappent désormais aux portes du paradis (qui, ironiquement, leur seront fatales, voir plus bas), maintenant que les Colts et les étoiles ne sont plus d’aucune utilité. Il est fini, le temps où l’on jouait aux cowboys.

6 – LITTLE BIG MAN d’Arthur Penn avec Dustin Hoffman, Dan George, Faye Dunaway (1970)

Jack Crabb a 121 ans et raconte sa vie pleine d’aventures à un historien. Son passé de pistoléro, sa captivité chez les Cheyennes, sa rencontre avec Wild Bill Hickok ou encore le général Custer… Tous ces évènements lui auront permis de prendre de la distance et d’avoir un point de vue unique sur les relations entre les Indiens et les « Visages pâles ».

Western révisionniste car renvoyant une image différente des Indiens et de la cavalerie de ce que le western classique pouvait décrire, "Little Big Man" prône des valeurs différentes car en accord avec son temps, une époque de contestation et de révision des réalités historiques (notamment sur le comportement du Général Custer).

© Warner Bros.

7 – UN NOMMÉ CABLE HOGUE (The Ballad Of Cable Hogue) de Sam Peckinpah avec Jason Robards, Strother Martin, Slim Pickens et David Warner (1970)

1908. Alors qu’il ne peut échapper à une mort certaine, seul et assoiffé dans le désert, Cable Hogue tombe miraculeusement sur un point d’eau. Se rendant compte qu’une route passe à proximité et que personne n’est au courant de l’existence de cette source, unique dans les environs, Hogue pense tenir là une affaire en or.

Si Peckinpah abandonne la violence et les pistoleros le temps d’un film, c’est pour livrer ce qui est probablement son film le triste et ironiquement le plus drôle. Le passage au 20e siècle ne sera pas difficile uniquement pour les cowboys, mais pour les autres personnes également, ces hommes qui n’ont pas su voir la modernité arriver (un thème et une réalité intemporels). L’histoire de ce pauvre Cable est construite tel un château de cartes que viendra détruire la modernité.

8 – JEREMIAH JOHNSON de Sydney Pollack avec Robert Redford (1972)

Vers 1850, Jeremiah Johnson, un vétéran de la guerre du Mexique, décide de partir vivre dans les Rocheuses et de devenir trappeur.

Impossible de ne pas faire un certain parallèle avec le conflit vietnamien ici, le film prônant le changement (Jeremiah quitte l’armée pour une vie d’aventure) mais pas l’inaction face à la violence. Il revendique parfois une certaine vengeance, lorsque bien qu’accepté par certains Indiens, Jeremiah est contraint de passer à l’action. Le scripte est signé par le grand John Milius ("Apocalyspe Now", "Conan le Barbare"), il n’y a donc rien d’étonnant à cela.

9 – LA PORTE DU PARADIS (Heaven’s Gate) de Michael Cimino avec Kris Kristofferson, Christopher Walken, Jeff Bridges, John Hurt, Brad Dourif, Joseph Cotten, Geoffrey Lewis, Terry O’Quinn, Mickey Rourke et Isabelle Huppert (1980)

1970 – 1903. Plus de 30 ans de la vie de James Averill qui, entre ses études à Harvard et son enrôlement dans la guerre dans le Wyoming, sera l’un des témoins de la fin du 19e siècle.

Alors qu’il était le nouveau messie du cinéma indépendant américain, leader du nouvel Hollywood aux côtés de Scorsese et Coppola notamment grâce à "Voyage au bout de l’enfer", Michael Cimino se devait d’être l’homme de la situation, celui qui allait relancer le genre. Le destin en sera tout autre. Plus gros échec de l’histoire du cinéma américain à l’époque (3,5 millions de dollars de recettes pour 40 millions investis), le film tue non seulement la carrière de Cimino (qui ressuscitera 6 ans plus tard grâce à Mickey Rourke et De Niro) mais surtout le western. Il faudra attendre "Danse avec les loups" de Kevin Costner et "Impitoyable" de Clint Eastwood pour avoir de nouveaux films de qualité. Pourtant, « La Porte du paradis » fait parti de ces chefs-d’œuvre incompris, mais divisent encore beaucoup de monde : il figure dans de nombreux classements des films les plus mauvais jamais produits. Une incompréhension qui pouvait être expliquée à sa sortie par la montée en puissance de Ronald Reagan (« L’acteur ? » comme dirait Doc Brown), mais qui de nos jours trouve peut-être son explication dans la multitude de montages existants.

© Columbia TriStar Films

10 – MORT OU VIF (The Quick and the Dead) de Sam Raimi avec Sharon Stone, Russell Crowe, Leonardo DiCaprio et Gene Hackman (1995)

Dans la ville de Redemption, un concours annuel est organisé afin de récompenser le meilleur tireur du pays. Hellen (Stone), une très belle femme, est bien décidée à battre Herod (Hackman), le tyran de la ville qui, année après année, n’a jamais perdu.

"Mort ou vif" n’est pas une énième tentative de résurrection du genre, mais plutôt un rêve de gosse pour son réalisateur, Sam Raimi. Castant LA star de l’époque et des acteurs montants (DiCap’ et Maximus), le style visuel de « Sam The Man » fait de "Mort ou vif" l’un des cinq meilleurs westerns entre la fin des années 70 et le début des années 2000, tout simplement.

 

Conclusion de la partie

Depuis l’échec cuisant de Michael Cimino, le western est devenu un sous-genre. "Silverado", "Young Guns", "Belles de l’Ouest", "Tombstone"… Autant de productions qui, au mieux, sont sympathiques, mais qui dans l’ensemble ne valent pas plus que "Rocco et les sex mercenaires" ou la pub pour Nike opposant Manchester United au Real Madrid dans une reconstitution de ville pionnière. Pourtant, certains grands noms et de futures stars n’en ont pas terminé. Si les portes du paradis se sont refermées sur l’Ouest et ses grandes étendues, ces hommes n’ont pas dit leur dernier mot et comptent bien aller chercher le western la où il se trouve, en enfer, si ce dernier ne veut pas venir à eux. L’heure de l’héritage a sonné.

Lire les autres parties :

1ère PARTIE : LE WESTERN CLASSIQUE AMERICAIN


2e PARTIE : LE WESTERN SPAGHETTI


4e PARTIE : LE WESTERN LEGACY

François Rey Envoyer un message au rédacteur

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